L’excellence par le maître des jongleurs à cheval Nikolaï Olkhovikov.
La divine surprise
Après la venue du premier spectacle du Cirque de Moscou en Europe, à partir de 1956, beaucoup d’aficionados étaient persuadés que les autorités soviétiques avaient présenté leurs meilleures attractions. Au fil des années, ils se rendirent compte que ce qu’ils avaient pu voir n’était qu’un aimable prélude.
Quelle ne fut pas leur surprise lorsque apparut le maître des jongleurs à cheval Nikolaï Olkhovikov !
L’avis de Eddie Campbell
Dans la revue Le Cirque dans l’Univers, le premier choniqueur qui fit part de son enthousiasme fut Eddie Campbell. Après l’avoir applaudi lors d’une représentation à Londres, en 1959, il écrivit :
« …Le travail de Nikolaev Olkhovikov, jongleur à cheval, offrait de même un intérêt tout particulier.
Le choix de sa monture est curieux, son gabarit se situant entre celui d’un cheval de trait et celui d’un percheron, mais elle tourne à très vive allure. L’on admet d’habitude que dans un numéro de ce genre il est essentiel que la vitesse du cheval demeure constante et que sa foulée soit d’une régularité absolue, ici, contrairement à l’habitude, le cheval donne l’impression de régler lui-même sa propre allure, personne ne se trouvant au centre de la piste pour le guider avec une chambrière ; seul l’exécutant, de la voix, semble donner des indications à la bête…
Un numéro de toute beauté
… Olkhovikov jongle avec des verres à vin qui retombent dans des anneaux où ils se maintiennent grâce à la force centrifuge, le cheval contournant la banquette de piste à vive allure. Il jongle également avec trois massues et une balle ; ensuite une cascade de six balles et, enfin, un très rapide jonglage avec trois torches enflammées. Pour ce dernier travail, le cheval se mit à galoper et tournait à une telle allure que le jongleur se tenait sur la croupe du cheval dans une position oblique, presque horizontale, afin de contrebalancer la vitesse de rotation. L’artiste saute de cheval chaleureusement applaudi, le cheval s’arrêtant derrière lui, en attente.
Comme les applaudissements finalement faiblissent, le cheval, sans aucune indication apparente, soulève la table sur laquelle sont disposés les accessoires de jonglage et disparaît derrière le rideau du montoir, tenant la table entre ses dents. Un point final à un numéro de toute beauté… »
Un galop d’enfer par le maître des jongleurs à cheval
Le jongleur Nicolaï Olkhovikov vint à Paris en 1960 et 1963. L’écrivain Pierre Robert Levy notait :
« …Olkhovikov, lui, réalise sur son cheval une jonglerie de couteaux, de cerceaux et de balles – j’en ai compté cinq – que ne désavouerait point un bon jongleur à terre. Puis, trois torches allumées en main, il aborde en voltige sa monture lancée au plein galop. On n’oubliera pas cette effarante jonglerie de flammes, le jongleur dressé à 45 degrés sur un cheval galopant littéralement ventre à terre. C’est un prestigieux moment de cirque… »
Quant à Robert Mulle, le spécialiste de l’acrobatie équestre, il écrivait :
« … Olkhovikov dépasse de très loin tous les numéros de ce genre que l’on a pu voir depuis quarante ans. Son cheval tourne à un galop nettement plus rapide, le travail de jonglage est de qualité et Olkhovikov réussit même à jongler étant à rebours c’est-à-dire en faisant face à la queue du cheval, position qui accroît encore considérablement la difficulté. Ce jongleur a dû être un voltigeur de classe, car vers la fin du numéro, il réussit dans un style parfait deux sauts debout, alors que sa monture tourne à très vive allure… »
Biographie du maître des jongleurs à cheval
Les données biographiques suivantes nous ont été communiquées par Dominique Jando :
Nikolaï Leonidevitch Olkhovikov est né le 7 septembre 1922 en Russie. Il était le fils de l’acrobate Leonide Olkhovikov (1899-1949).
Il débuta à l’âge de sept ans dans la troupe Okeanos, fondée par son père. Il s’y distingua en tant que sauteur à la bascule, équilibriste sur échelle, et acrobate à cheval. Après 1933, il débuta ses exercices de jonglerie équestre qu’il présenta sous le chapiteau ambulant de SoyouzGosCirk, dirigé par son père.
Envolée lyrique à cheval
Doué d’une belle voix de baryton, Nikolaï Olkhovikov (dont le nom fut parfois orthographié Olchowikow) entra en 1950, au Conservatoire de Musique de Moscou pour y étudier l’art lyrique, à la suite de quoi, il chanta tout en jonglant debout sur son cheval.
L’historien Jan Brabec put l’applaudir à Leningrad, en 1968. Quelques années plus tard, Olkhovikov devint professeur à l’Ecole du Cirque de Moscou où il monta notamment un excellent numéro avec quinze élèves appelé La Troïka Russe, qui fut présenté lors du spectacle d’ouverture du Nouveau Cirque de Moscou, au printemps 1971.
Cette attraction n’était autre qu’un festival de sauts présenté par des acrobates sur le plateau d’une troïka lancée au grand galop. Ce numéro fut présenté aussi en 1982 à l’occasion du Centenaire du Cirque de Moscou. Nicolaï Olkhovikov forma également son fils Leonid (comme son grand-père) dont il sera question plus loin.
À Moscou, Nicolaï Olkhovikov décéda le 6 juin 1987. Artiste d’exception, il a ouvert la voie à une nouvelle génération de jongleurs dont son fils Leonid Nikolaevich Olkhovikov.
On peut écrire qu’il y a un avant et après Olkhovikov.
Dominique Denis
Extrait du livre : Les Jongleurs à cheval – Dominique Denis – Arts des 2 Monde
Sources
- Un vent nouveau venu de l’Est
- Dossiers chronologiques de l’auteur.
- Dictionnaire illustré des mots et locutions du Cirque – Dominique Denis.
- L’Art de la Jonglerie – Dominique Denis.
- La divine surprise
- Programme du Cirque de Moscou à Lille – 1958.
- En Angleterre – Le Cirque Russe – Eddie Campbell – Le Cirque dans l’Univers – n° 39.
- Un galop d’enfer
- Au Cirque de Moscou – Pierre-Robert Levy – Le Cirque dans l’Univers – n° 39.
- Sur la voltige équestre – Robert Mulle – Le Cirque dans l’Univers – n° 41.
- Notes Dominique Jando.
- Histoire Mondiale du Cirque – Dominique Jando.
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Sources – suite
- Envolée lyrique à cheval
- Notes Dominique Jando.
- Etudes Soviétiques – Galina Nicolaieva.
- Le Cirque de Leningrad – Jan Brabec – Le Cirque dans l’Univers – n° 71.
- Au Nouveau Cirque de Moscou – Pierre-Robert Levy – Le Cirque dans l’Univers – n° 84.
- 4.000 Years of Juggling – Karl-Heinz Ziethen.
- Le Cirque de Moscou et la France – Pascal Jacob.
- Riding in Russia – Viktor Koschkin – Kaskade – n° 33.