Ces onze saisons de pur bonheur au Cirque d’Hiver de Paris fut l’œuvre d’un homme de spectacle exceptionnel, Gaston Desprez.
Gaston Desprez
C’est histoire de Gaston Desprez qui rendit cet établissement à sa vocation première – qui avait été transformé en cinéma en 1907 – par une brillante réouverture le 12 octobre 1923. Ce fut un kaléidoscope d’attractions inédites, comme les coqs de Torcat, les Nobertys sur leur échelle aérienne, les clowns Ilès et E. P. Loyal, Gadbin II dans le toboggan de la mort, la troupe Andreu ou de Charlot au trapèze. Il donna également des représentations à Limoges. La saison suivante vit l’entrée des Fratellini, les rois du rire, entourée de la cavalerie Orlando et 16 ours de Hagenbeck par Carl Herbig, et une représentation exceptionnelle à Saint-Quentin.
L’année d’après, fut celle des folles audaces, avec le double saut périlleux en automobile par les frères André et Marcel Desprez, le couple modèle à bicyclette Rodella Ruiz et Artix, le capitaine Wall et ses alligators, la cavalerie de Jean Houcke, des frères Rancy, et pour la première fois à Paris, les mythiques Codona tournant le triple au trapèze volant.
Des découvertes
Que de surprises et de découvertes, en 1926/1927 avec la cavalerie Truzzi, venue de Russie, dans une fastueuse production des milles et nuits, les patineurs sur glace Klammek et l’homme obus Hugo Zacchini. Venus d’Espagne, les clowns Rico et Alex furent les vedettes du cycle suivant, avec le grand comique français Germain Aéros, la course infernale de Louis Maïss, le trio Rivel, et l’aviateur Peuillot dans sa vertigineuse descente en parachute, tandis que le Cirque d’Hiver servit de cadre, pour la première fois, au Gala de l’Union des Artistes.
Les Fratellini revinrent au son des trompettes d’Aïda la saison suivante, avec l’étonnant acrobate à cheval Chotachen Courtault, l’inénarrable jongleur comique Rich Hayes, la Paix dans la jungle d’Alfred Court présentée par Vojtech Trubka, le fildefériste Maximo et, à nouveau, les Codona, accompagnés de la reine des anneaux Lilian Leitzel.
Les plus grandes attractions du monde
Cherchant à séduire encore plus son public, Gaston Desprez, en 1929/1930, fit appel aux ballet de Loïe Fuller, à l’intrépide Swan Ringens qui plongeait dans une cuve remplie d’eau, à la troupe équestre Casi et au maître belluaire Otto Sailer Jackson. Il donna également des représentations à Lille et lança sur les routes de France le chapiteau Fratellini. Ne regardant pas à la dépense, Gaston Desprez fit venir, la saison d’après, des vedettes du Ringling Bros and Barnum & Bailey Circus comme le contorsionniste au trapèze Albert Powel, l’athlétique Luisita Leers, les funambules à grande hauteur Wallenda, et Miss Leitzel, qui allait périr tragiquement, quelque temps plus tard, à Copenhague. Il y eu aussi le fameux trio Dario, les plus forts acrobates à cheval de l’époque, les frères Caroli, et l’orchestre comique espagnol El Empastre. Il y eut encore des spectacles à Lille et le Cirque Fratellini sillonna, à nouveau, les routes de France.
En 1931/1932, Gaston Desprez invita à nouveau la cavalerie Truzzi vedette du Pays des Merveilles, puis remit au goût du jour la pantomime La chasse à courre, qu’il promena ensuite en tournée sous un chapiteau à l’enseigne du Cirque d’Hiver de Paris. L’année suivante, il fit appel à Maurice Couchemann pour l’aider financièrement, et put produire ainsi une série de nuits enchanteresses avec la pantomime nautique Les nuits du Kalifat, du Cirque Busch, le récital de Grock, le roi des clowns, et la revue Toros ! L’Espagne à Paris. Une deuxième tournée sous chapiteau prit la route, mais ne rencontra pas le succès escompté.
La piste nautique du Cirque d’Hiver
Afin de présenter, pour sa saison 1933/1934, des féeries avec une véritable piste nautique, Gaston Desprez fit creuser une piscine dans la piste, et pour cela, dut s’endetter lourdement. Par la même occasion, il fit également construire un hall d’exhibition pour accueillir un zoo. Il fit venir d’Allemagne une grosse production intitulée Tarzan, qui ne vécut que le temps d’une représentation. En un temps record, il transforma cet échec en succès, avec une nouvelle version appelée Les Fratellini en Afrique puis, mit à l’affiche le spectacle du Cirque Strassburger et sa fastueuse ménagerie. Il monta ensuite, une autre pantomime aquatique Les diamants du Radjah, et enfin, Une noce en Auvergne. Hélas, criblé de dettes, Gaston Desprez fut mis en faillite.
Cette triste fin ne doit cependant par faire oublier le nombre de représentations sensationnelles qu’a présenté cet audacieux directeur. Pendant ces onze saisons, Gaston Desprez s’est dépensé sans compter pour diriger cette entreprise monumentale avec les plus grandes attractions de l’époque. Cette histoire est celle aussi de la munificence des spectacles et des soirées de prestige ; de son organisation et de ses cadres, tel son régisseur Louis Lavata ; des importants travaux entrepris ; de l’ambiance de ses coulisses avec ses invités de marque ; de la vie des artistes, notamment des Fratellini qui tinrent le haut de l’affiche pendant neuf saisons ; enfin, de l’avis des chroniqueurs d’une rare compétence comme Gustave Fréjaville, André Legrand-Chabrier ou Henry Thétard.
Pour Paris, ce fut onze années de bonheur !
Dominique Denis
Extrait de la présentation du livre : Cirque d’hiver – direction Gaston Desprez – Dominique Denis – Arts des 2 Mondes (en cours de réédition).
Sources : Cirque d’hiver – direction Gaston Desprez – Dominique Denis – Arts des 2 Mondes.
A lire au sujet du Cirque d’Hiver
- Cirque d’hiver – direction Gaston Desprez – Dominique Denis – Arts des 2 Mondes (en cours de réédition).
- Histoire illustrée des cirques parisiens – Adrian.
- Cirques en bois, cirques en pierre de France – Charles Degeldère & Dominique Denis – Arts des 2 Mondes (en cours de réédition).
- Le Cirque d’Hiver – Sampion Bouglione & Marjorie Aiolfi – Flammarion.
- Paris en Piste – histoire des cirques parisiens – Pascal Jacob – Ouest-France.