Les jongleurs sont des artistes qui présentent des exercices d’agilité, d’adresse et d’équilibre, avec grâce et vélocité.
Les jongleurs dans l’antiquité
Dans l’antiquité romaine, le mot pilarius désignait à la fois les escamoteurs (plus exactement les joueurs de gobelets) et les jongleurs de balles. D’autre part, le terme joculator était réservé aux plaisantins et autres farceurs. En fait, les exercices de jonglerie n’étaient pas suffisamment nombreux, ce qui explique pourquoi les artistes d’agilité pratiquant cet art n’étaient pas désignés sous un vocable précis.
Après la période romaine, la jonglerie était pratiquée en tant qu’exercice d’appoint par les saltimbanques et les danseurs de corde.
Giocoliere
Au moyen âge, le mot jongleur, dérivé du latin joculator, était devenu un terme générique pour les baladins en tous genres. En italien, jongleur se dit giocoliere. À la fin du XVIIIème siècle, des écuyers tels Price, Peter Mayeu ou John Bill Rickett présentèrent sur la piste des cirques des exercices de jonglerie à cheval.
À partir des années 1818, la venue de jongleurs originaires des Indes, de Ceylan et de la côte des Malabars, comme Madura ou Mooty et Medua Samme, puis des artistes chinois et japonais, tels Arr-Hee, Sam-Hung, ou Sentaro Kagami, firent prendre conscience aux artistes européens de la richesse infinie de cet art. Il est intéressant de noter à ce propos qu’en espagnol, le mot jongleur se dit malabarista, dont l’étymologie indique clairement l’origine.
Les jongleurs et la jonglerie acrobatique
Dès la fin du XIXème siècle, des artistes comme Cinquevalli (1859-1918) ou Severus Schaeffer (1865-1950) créèrent les bases de la jonglerie acrobatique, et Holtum donna une nouvelle dimension aux exercices avec des poids.
Agoust apporta la note de fantaisie et de rêve nécessaire à cet art qui n’avait pas encore atteint son sommet. Le début du XXème siècle vit le développement de la jonglerie de force avec Paul Concha ou Paul Spadoni (1870-1952), puis la création du style gentleman avec Michael Kara (1867-1939), de la jonglerie à l’envers avec L. A. Street, et du hoop-rolling avec William Everhart (1868-1948).
De la fantaisie
Des joueurs de billard, comme Asra (1873-1947) ou Yvory révolutionnèrent cet art. Moritz Cronin fit connaître, en Europe, la jonglerie des massues, et Montrell celle des torches enflammées.
Les jongleurs fantaisistes et comiques, tels W. C. Fields (1880-1946), Rich Hayes, ou encore le casseur d’assiettes Carl Bagessen (1858-1931), furent les précurseurs de la jonglerie comique ; Chas Bradnas faisait voltiger des boomerangs ; des troupes, comme les Phillips ou les Blank, pratiquaient la jonglerie de groupe.
Les jongleurs exceptionnels
Entre les deux grandes guerres mondiales, Enrico Rastelli (1896-1931) imposa le style de la jonglerie sportive. Il fit école, et encore aujourd’hui de nombreux jongleurs se réfèrent à cet artiste unique dans l’histoire du cirque et du music-hall.
Pendant ce temps, d’autres artistes exceptionnels apportèrent une touche incontestable d’originalité : Gaston Palmer (1886-1969) faisait voltiger ses petites cuillères…
Arthur Mc Sovereign (1882-1955) faisait vrombir ses diabolos, Felovis lançait des torches enflammées, et Francis Piper jouait et jonglait simultanément avec plusieurs banjos à la fois.
Bela Krémo (1911-1979) subjuguait les foules avec seulement trois balles, trois chapeaux ou trois boîtes de cigares.
Un festival de jonglerie
À partir des années 1940, des jongleurs tels Benito, Angelo Picinelli, ou Italo Medini, utilisèrent des cerceaux plats. Francis Brunn battit le record de l’époque avec 10 cerceaux, qui ne sera dépassé que quarante ans plus tard par des artistes comme Albert Petrovski, Albert Lucas, Sergei Ignatov, ou le petit surdoué Anthony Gatto, âgé de huit ans seulement, ce qui n’empêchait pas Nino Frediani de triompher avec seulement trois éléments. Rudy Horn empilait des tasses et des soucoupes en équilibre sur un monocycle.
À la même époque, Dieter Tasso faisait de même sur un fil, et un peu plus tard, Nino Rubio, en équilibre sur une échelle libre ; Bob Bramson faisait rouler sur le sol ses cerceaux qui lui obéissaient au doigt et à l’œil ; Rudy Cardenas manipulait avec vélocité des gobelets et Eric van Aro faisait voltiger une batterie complète ; les Balladini pratiquaient la jonglerie buccale tandis qu’Eric Brenn faisait tourner des saladiers sur des tiges flexibles.
La jonglerie chinoise
La période de la fin du XXème siècle vit le triomphe des artistes asiatiques tels Meng Ling Kuan et ses jarres, ou Gao Jin avec ses empilages de bols en métal, exercice repris par Fu Xiuyu et par de nombreuses jongleuses et jongleurs asiatiques.
Le japonais Koma Zuru remit au goût du jour la jonglerie des toupies, et ses homologues chinois se surpassèrent avec leurs exercices de diabolo et de météores.
Les jongleurs de perfection
Tandis que Popovitch, Petrovski ou Ignatov jonglaient avec un maximum d’objets, Vladimir Tsarkov était le créateur d’un personnage de pantin-jongleur du plus bel effet. Kris Krémo, avec seulement trois objets devint aussi célèbre que son père. Sorin Munteanu, Jack Bremlov, ou Dick Franco, rivalisèrent en adresse et vélocité.
Alberto Sforzi, qui brillait dans toutes les disciplines de jonglerie, était sans doute le jongleur le plus éclectique de sa génération. Réjean St Jules, ou Eddy Carello, ont innové dans le domaine de la jonglerie à l’envers.
Sur un cheval au galop
Nicholai Olchowikow, ou Stéphan Gruss et ses fils sont des jongleurs à cheval du plus haut niveau.
Michael Moschen est un jongleur qui joue sur la plastique en jonglant avec des boules de cristal ou des formes géométriques abstraites. Jérôme Thomas, ou Erik Borgman, jonglent avec une rare économie de moyens. Devenu adulte, Antony Gato obtint la récompense suprême à Monaco en l’an 2000. Dans la lignée de Rastelli, Viktor Kee, à son tour, s’est imposé comme un des jongleurs d’une rare perfection.
Hors des sentiers battus, de nouveaux adeptes de la jongle, Johann Le Guillem, en tête, inventèrent et manipulèrent de nouveaux objets. Chaque année, les aficionados de la Piste découvrent de nouveaux talents comme Roberto Carlo ou François Borie. D’autres, tels Picaso Junior ou Roberto Carlos Aguilar fait voltiger 7 balles de ping-pong avec la bouche, ou Ty Tojo manie balles et boîtes de cigare avec une rare précision. Répétant sans relâche, les jongleurs du XXIème siècle, à la recherche d’innovations permanentes, n’ont pas fini de nous étonner.
Les jongleuses
Assez curieusement, dans l’histoire du cirque et du music-hall, les jongleuses solistes furent moins nombreuses que leurs confrères. Cependant, certaines de ces artistes, telles Selma Braatz, Kaethe Gueltini, Jenny Jaeger ou Trixie, eurent une renommée équivalente aux jongleurs les plus réputés. Après la deuxième guerre mondiale, Luly Perezoff, Margot Edwards, Louise-Roxéa Loyal, ou Eva Vida brillèrent dans cette discipline. Lottie Brunn, la sœur de Francis, possède à son actif une carrière remarquable.
À partir de la fin du XXème siècle, la relève fut assurée avec Gipsy Gruss, Luce, Nathalie Enterline, Alexandra Pauwels, Ira Rizaeva, ou encore Gena Shvartsman qui jongle depuis l’âge de six ans.
Principaux genres de jongleurs
- Cow-boy : spécialiste du maniement de lasso, des lancers de couteaux et tir à la carabine.
- Dresseur de cerceaux : jongleur spécialiste du Hoop-rolling, dont le grand maître du genre fut William Everhart.
- Gentleman-jongleur : jongleur qui présente son numéro avec élégance et un certain flegme anglo-saxon. Ce genre fut imposé par Michael Steiner dit Kara.
- Jongleur à cheval : artiste qui jongle debout sur la croupe d’un cheval. La jonglerie équestre est sans aucun doute une des disciplines les plus difficiles du Cirque. Stéphan Gruss reste un des plus extraordinaires jongleurs à cheval actuel.
- Jongleur aérien : artiste qui jongle suspendu à des agrès dans les airs. Ber Holt jonglait suspendu par la mâchoire à un câble. Sa fille Chris Holt présenta un numéro similaire suspendue par les cheveux.
- Jongleur acrobate : artiste qui jongle tout en agrémentant ses exercices de sauts et d’acrobaties en tous genres. Cinquevalli et Severus Schaeffer furent les précurseurs de cette forme de jonglerie acrobatique.
- Jongleur bavard : jongleur qui utilise le verbe pour agrémenter son numéro. Gaston Palmer fut le plus célèbre de l’histoire du Cirque et du Music-hall.
- Jongleur comédien : jongleur qui, par ses mimiques ou éventuellement par le verbe, exprime ses sentiments avec fantaisie et humour. Ces artistes, de Rob Murray à Bert Garden, en passant par Gil Dova, Rudi Schweizer, ou Toly Moustier, ont particulièrement marqué l’histoire de la Jonglerie.
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Jongleur comique : artiste de cirque et du music-hall qui fait rire avec ses exercices de jonglerie. Bon nombre de ces jongleurs eurent une renommée internationale, tels W. C. Fields, qui devint une star du cinéma américain, Carl Bagessen le casseur d’assiettes, Tom Hearn, le jongleur paresseux, ou encore Gaston Palmer avec ses petites cuillères lancées dans les verres.
- Jongleur danseur : jongleur dont le numéro est entièrement chorégraphié. Le bâtonniste Norman Crider, ainsi que Serge Lamy, furent des jongleurs danseurs de talent.
- Jongleur de force : Hercule qui jongle avec des objets lourds. Un des premiers jongleur de force fut l’artiste danois Holtum.
- Jongleur de salon : terme ancien pour désigner un jongleur qui se présente en piste en tenue de ville, et qui utilise des objets usuels. Max Hellwig, dit Cincinnati (1870-1964), fut une des célébrités du genre.
- Jongleur équilibriste : 1 – Jongleur dont la spécialité est l’équilibre d’objets. 2 – Jongleur qui se tient lui-même en équilibre sur un support instable tel boule, échelle libre, fil-de-fer, monocycle, rola-rola…
- Jongleur fantaisiste : jongleur qui agrémente ses exercices de touches humoristiques.
- Jongleur ganté : expression ancienne qui pouvait être utilisée comme argument de présentation par un gentleman jongleur, appelé aussi jongleur mondain (voir à ce mot).
- Jongleur humoristique : synonyme de Jongleur fantaisiste.
- Jongleur mondain : synonyme de gentleman jongleur, genre créé par Michael Kara.
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Jongleur plasticien : néologisme de l’auteur pour désigner un jongleur qui cherche avant tout à mettre en valeur l’esthétisme de son numéro. Parmi ces artistes, on peut citer Vladimir Tsarkov, Michael Moschen, Jérôme Thomas ou Viktor Kee.
- Jongleur rapide : expression employée dans les années 1950, pour désigner un jongleur travaillant à un rythme soutenu. Se disait aussi tempo jongleur.
- Jongleur sportif : 1 – Style de présentation. Serge Percelly, qui a choisi un personnage de tennisman, présente un excellent numéro de jonglerie avec des raquettes de tennis. 2 – Aux Etats Unis d’Amérique, des amateurs de jonglerie ont créé plusieurs épreuves sportives basées sur des exercices de jonglerie.
- Jongleur sur boule : artiste qui jongle debout sur une boule d’équilibre. Siki, qui présentait la pyramide de tasses, fut un des meilleurs représentants de cette spécialité.
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- Jongleur sur cycles : jongleur qui utilise un monocycle ou un perchoir comme support d’équilibre. Freddy Zay, Charly Wood, Rudy Horn, ou Ernest Montego, figurent parmi les plus grands noms de la jonglerie sur monocycle.
- Jongleur sur échelle : 1 – Artiste qui jongle en équilibre sur une échelle libre, tel Nino Rubio ou Gregory Popovitch. 2 – Jongleur équilibriste qui entreprend l’ascension d’une échelle haubanée, en tenant une épée supportant un plateau garni de verres, en équilibre sur la pointe d’un poignard tenu entre les dents. Ce numéro fut créé par Marco.
- Jongleur sur fil : jongleur qui utilise le fil tendu ou souple comme support d’équilibre. Un des plus beaux numéros du genre fut celui de Dieter Tasso avec sa fameuse pyramide de tasses.
- Jongleur sur patins : jongleur qui présente son numéro sur patins à roulettes ou à glace.
- Jongleur sur rola-rola : artiste qui jongle en équilibre sur un rola-rola.
- Joueur de billard : jongleur dont le thème principal de son numéro est le billard. Asra, ou Yvory, furent des maîtres du genre.
- Joueur de diabolo : synonyme de jongleur de diabolo.
- Manipulateur : artiste, tout autant plasticien que jongleur, qui donne vie à des objets.
Extrait de : L’Encyclopédie du Cirque – Dominique Denis – Arts des 2 mondes – version e book
À lire :
- Australian Cowboys roughriders & rodéos – Jenny Hicks – Angus & Robertson – Sydney – 2000.
- À vous, les jongleurs – Adrian – 1977.
- Enrico Rastelli – Pietro Barachetti – Grafica & Arte – Bergamo – 1996.
- Enrico Rastelli und die besten Jongleure der Welt – Karl-Heinz Ziethen – Berlin – 1996.
- 4.000 Years of Juggling – Karl-Heinz Ziethen – deux volumes – Michel Poignant – Ste Geneviève – 1981.
- Jonglierkunst im Wandel der Zeiten – Karl-Heinz Ziethen – Berlin – 1985.
- Juggling – Its history and greatest performers – Francisco Alvarez – Albuquerque – 1984.
- Juggling – The Art and its Artists- Karl-Heinz Ziethen & Anfrew Allen – Werner Rausch – Berlin -1985.
- Kara – Hermann Saguemüller – Baldinguen – 1973.
- Kris Kremo – Karl-Heinz Zeiten – Circus Verlag – Dormagen – 1998.
- L’Acrobatie et les acrobates – Georges Strehly – Delagrave – Paris – 1903.
- L’Art de la Jonglerie – Dominique Denis – trois volumes – Editions du Spectacle Strasbourg – 1987-89-92.
- Les Jongleurs à cheval – Dominique Denis – Arts des 2 Mondes – 2009.
- Sur le fil de ma vie – Gipsy Gruss Bouglione – François Mariller – La Mirandole – Pont-Saint-Esprit – 2005.
- The fabulous Tom Mix – Olive Stokes Mix & Eric Heath – Prentice-Hall – New York -1957.
- The Life and the Legend of Tom Mix – Paul E. Mix – Barnes – New York – 1972.
- Will Rogers Rope Tricks – Frank Dean – Western Horseman – Colorado Springs – 1969.
- Will Rogers, the man and his time – Richard M. Ketchum – U. S. A.