Les trois frères Fratellini ou la trinité du Rire
Fratellini, quel nom magique ! Synonyme de rire et de cirque ! Ces rois de la comédie ont enchanté plusieurs générations de spectateurs enthousiasmés. Comme leur père Gustavo ou leur frère Luigi, Paul né à Catane en 1877, François (Paris 1879), et Albert (Moscou 1886) ont fait rire l’Europe entière. Quand ils arrivent à Medrano pour la rentrée de septembre 1915, ils provoquent la surprise.
Tout en grâce et légèreté, François, tel un lutin mutin, entre en piste sautillant et bondissant, entre en piste, rejoint par le rondouillard Paul, au visage bonasse. Soudain, voilà qu’apparaît un personnage incroyable avec un nez énorme, coiffé d’une perruque hirsute, vêtu d’oripeaux éléphantesques et chaussé de savates palmées. C’est Albert… Un monument d’extravagance, de cocasserie et de bouffonnerie ! Sans vergogne, il interrompt le jeu de ses partenaires, pour se livrer à des pitreries invraisemblables. D’abord, le public est médusé. Puis, d’un seul coup, des vagues de rires sans fin déferlent dans les gradins.
Ces trois frères sont loin d’être des débutants. Ils s’étaient déjà produits en tant que clowns et acrobates équestres sur cette même piste, à l’époque de Fernando, en 1877, ainsi qu’à l’ouverture de Medrano. Après le décès de leur frère Luigi en 1909, ils constituèrent un trio qui allait rencontrer un succès inespéré. L’année suivante, ils enchantèrent les Berlinois au Cirque Busch, se produisirent à Copenhague, Saint-Pétersbourg, Budapest, Moscou, puis sillonnèrent l’Allemagne, l’Autriche, la Roumanie, l’Espagne et le Portugal.
À Medrano
Chaque soir, à Medrano, la foule se bouscule pour rire avec les Fratellini. Pendant l’entracte, des personnalités se pressent dans leur loge, comme les comédiens Jacques Copeau ou Firmin Gémier, les peintres, Picasso ou Poulbot, ou encore les jeunes écrivains Pierre Mac Orlan ou Jean Cocteau.
Les Fratellini semblent multiplier leurs entrée à l’infini. Avec le style qui les caractérise, ils interprètent des classiques du répertoire comme La clarinette, La nourrice, Les œufs, Les pâtissiers, L’entonnoir, La poupée mécanique, Le sandow, Les pompiers, Le billard, Les acrobates, Le photographe, L’araignée ou La corrida, pour n’en citer que quelques unes. Ils amusent avec leurs truculantes parodies telles Les papillons aériens, La gigolette, ou La Violetera. Ils excellent également dans leurs fantaisies musicales comme La vision de Salomé, la Traviata, L’angélus de la mer, ou Le trompette en bois.
Les Fratellini au Cirque d’Hiver
Après avoir été acclamés à Medrano pendant plusieurs années, ils sont invités par Gaston Desprez en 1924 au Cirque d’Hiver. Les Fratellini reprennent leur répertoire riche en accessoires, développent leurs sorties musicales enrichies d’une importante figuration, et sont les héros de pantomimes à grande mise en scène comme Les Fratellini en Afrique.
En 1927, ils entreprennent une triomphale tournée européenne. À Rome, ils ont l’insigne honneur de jouer devant le Pape Pie XI. Trois ans plus tard, Gaston Desprez lance sur les routes de France un chapiteau baptisé Cirque Fratellini.
Toujours aussi populaires, ils enregistrent des disques 78 tours, tandis que leur effigie est reproduite sur toute sorte de produits allant des jouets au papier peint en passant par les boîtes de bonbons, les peignes ou les flacons de parfum. Un album écrit et illustré par G. Dardaillon leur est consacré.
Pendant ce temps, un autre trio Fratellini composé des deux fils de Luigi, Gustave Junior et Max et de leur beau-frère Colombo, se produit principalement en Allemagne.
Rue des Fratellini
La grande époque des Fratellini se termine en juin 1940 avec le décès de Paul. François et Albert assisté de partenaires comme Ilès ou Geretti continueront jusqu’aux derniers jours de François en 1951.
Cependant, Albert fera un retour remarqué sur les pistes quelques temps plus tard. Les écrits sur les Fratellini sont nombreux et de qualité. Enfin, en 1976, la Municipalité du Perreux, en région parisienne, baptise une de ses artères, la Rue des Fratellini.
Extrait de : Clowns de Cirque – Histoire des Comiques de la Piste – Dominique Denis – Arts des 2 Mondes