D’une audace inouïe et d’une rare élégance, Alfredo et Lalo Codona, se sont naturellement imposés dans le monde du Cirque comme la référence absolue du trapèze volant.
Un style incomparable
Le style incomparable des deux frères mexicains Codona, Alfredo (07.09.1893 à Hermosillo, Mexique – 30.07.1937 à Long Beach, U.S.A.) et Abelardo, dit Lalo (20.10.1895 à México – 12.10.1951) son cadet d’un peu plus d’un an, a sans conteste, marqué la discipline du trapèze volant.
Comme bien des enfants de la balle, très jeunes, ils prêtèrent leur concours au numéro icarien de leurs parents, Eduardo Codona et Hortense née Buislay, qui dirigeaient un petit cirque dans le sud du Mexique.
Silhouette mince, Alfredo révélait une étonnante témérité à la voltige tandis que Lalo, plus robuste, s’avérait être un porteur puissant, et leur sœur aînée, dite La Belle Victoria (1890 à Vera Cruz – 1983), déjà une artiste accomplie, était leur partenaire féminine. Le trio, formé par leur père au travail du trapèze volant, fit une apparition remarquée en Australie durant trois saisons de 1913 à 1915 au Wirth Brothers Circus en compagnie des australiens Ruth Farris et Steve Outch. Avec ce dernier, les frères Codona joignirent le Ringling Brothers Circus, en 1916, avec les Siegrist Silbon, une troupe de 14 personnes.
Quittant cette troupe, ils voyagèrent avec le populaire Circo Pubillones dans l’île de Cuba où en 1918, ils montèrent le Circo Europeo en association avec l’acrobate français Alfred Court, lequel deviendra un remarquable belluaire et le fondateur du Zoo Circus. Leur chapiteau fut détruit par les belligérants de la révolution cubaine ; ils s’enfuirent en toute hâte, à bord d’une goélette.
Jules Alex et Ernie Clarke
Revenus au Etats-Unis, en 1920, les Flying Codona évoluèrent au Cirque Sells-Floto, au Chicago Coliseum, au Ringling Bros and Barnum and Bailey Circus puis plus tard en Argentine, au Casino de Buenos-Aires.
Auprès de Jules Alex, le fameux trapéziste français qu’il avait côtoyé, Alfredo acquit la virtuosité. Mais, c’est d’Ernie Clarke, le voltigeur des Clarkonians qui tournait le triple saut périlleux, dont il rêvait d’égaler l’exploit. Dès lors, Alfredo mit au point sa technique et après un entraînement intense, il maîtrisa le mythique triple de trapèze à porteur et le réussira quasi à chaque fois, grâce à son implacable précision. Ce sera le début d’une gloire mutuelle et fraternelle : « Plus de 50 % de mon succès revient à Lalo » confiait-il aux journalistes.
Audacieux et d’une élégance suprême, à plus de dix mètres de hauteur, Alfredo, le plus complet des hommes volants, excellait dans la présentation de passes réputées difficiles : saut périlleux avec retour en pirouette et demie, saut périlleux par échappement de jarret et retour en pirouette et demie, double casse-cou avec retour en saut périlleux et également double saut périlleux et demi, retour en pirouette et demie de porteur à trapèze. Les yeux bandés, il s’élançait, pirouettait, attrapait les mains de son frère et pirouettait de nouveau avant de rattraper le bâton.
Lilian Leitzel
En 1922, ils s’illustrèrent pour la première fois en Europe au Coliseu dos Recreios de Lisbonne, puis au Cirque Palisse à Barcelone, au Cirque Hagenbeck-Wallace à Stellingen (au nord d’Hambourg), au Bertram Mills Circus à l’Olympia de Kensington Londres, au Wintergarten à Berlin. Leur numéro fut filmé par E. A. Dupont dans le film culte Variety. Ils furent programmés ensuite au Cirque Schumann à Copenhague et, à Paris, sous la mythique coupole du Cirque d’Hiver en 1926 ainsi qu’en 1928. Lors de cette saison, son directeur, Gaston Desprez mit à l’affiche les Flying Codona, avec d’autres vedettes comme les Fratellini, le fildefériste Maximo et l’annelliste Lilian Leitzel, La Reine des airs.
Alfredo qui avait épousé Miss Clara Curtin lors de sa tournée à Cuba, divorça pour retrouver son idylle d’antan, la hardie lady Lilian Leitzel (02.01.1892 – 15.02.1931). Lilian était l’étoile du Cirque Ringling. Sa renommée artistique était alors à son apogée et dépassait même celle d’Alfredo, que l’historien circophile Henry Thétard qualifiait de « phénomène que l’on voit tous les trente ou quarante ans au cirque » … L’union glamour des deux monstres sacrés des airs était de bon augure, mais elle fut tristement brisée, le 13 février 1931. Tandis que le trapéziste était de son côté au Wintergarten de Berlin et Lilian du sien au Valencia Variétés de Copenhague, elle fit une chute fatale.
Vera Bruce
Plus tard, Alfredo épousa en troisième noce sa partenaire Vera Bruce, qui exécutait au trapèze, une passe double simultanée avec lui. Le 29 avril 1933, il évoluait sur la piste n° 2 du Ringling Bros and Barnum & Bailey Circus, au Madison Square Garden de New York, quand la déchirure d’un muscle du bras droit le contraignit à l’abandon définitif de ses prodigieuses voltiges. L’avenir s’assombrissait pour le trapéziste d’autant que Véra prétendait divorcer. Leur tumultueuse séparation eut pour épilogue un drame passionnel et le suicide d’Alfredo.
Lalo Codona honora ses engagements avec deux jeunes trapézistes, Clayton Behee et Rose Sullivan, au Tower Circus à Blackpool en Angleterre. Enfin, le Tout-Paris accourut à Medrano pour admirer les audaces des nouveaux Codona en 1936. Le réalisateur A. M. Rabenalt tourna un film, en 1940, intitulé Die 3 Codonas qui relatait leur histoire.
Le souvenir de l’exploit des Codona est lié au triple saut périlleux qu’Alfredo tournait à la perfection. Pour s’en convaincre, il suffit d’emprunter la citation d’Henry Thétard : « Les Codona n’ont pas un numéro de grande classe, ils ont un numéro hors classe ».
Michèle Pachany-Léotard
Filmographie Codona
- Variety de E. A. Dupont – 1925
- Swing high de Jack Cummings – 1932
- Doublures dans les Quatre diables de Murnau – 1928
- Doublure de Johny Weissmuller dans Tarzan the Ape Man– 1932 et Tarzan and his Mate – 1934.
À lire
Ils donnent des ailes au Cirque – Adrian – 1988.
Vidéo Codona