Haute Ecole : L’art équestre élevé à son plus haut niveau de perfection.
Les qualités
Les qualités demandées à une présentation de haute école sont multiples. L’écuyer, immobile et souple à la fois, doit faire corps avec sa monture. Les mouvements des mains et des jambes doivent être imperceptibles. Avec élégance, il doit accompagner son cheval dans les changements de direction sans le précéder ni l’attendre. Pour le spectateur, l’homme et sa monture ne font qu’un.
Le cheval, quant à lui, doit répondre à trois critères : être calme, en avant et droit. Au XIXème siècle, le pur-sang anglais était la monture préférée des écuyers d’école. Au siècle suivant, sont apparus l’andalou et le lippizan, puis le frison, le trakehner, l’anglo-arabe ou l’arabe syrien.
On peut distinguer deux sortes de haute école : la classique, basée sur les trois allures naturelles du cheval, c’est à dire, le pas, le trot et le galop, puis l’école moderne qui reprend la première catégorie enrichie des jambettes.
L’art équestre occidental remonte à la Grèce Antique. Simon d’Athènes en codifia les principes vers 350 avant notre ère. Xénophon à son tour, dans un traité intitulé l’Art Equestre, posa les bases du dressage moderne du cheval. Cependant, en Chine, en Perse et aux Indes, l’art équestre était pratiqué depuis des temps immémoriaux. L’équitation, utilitaire à l’origine devint, au fil du temps un art véritable. La haute école telle que nous la connaissons date de l’époque de la chevalerie.
De La Guérinière à Antonio Franconi
François Robichon de La Guérinière, au XVIIIème siècle, fut le promoteur de la renaissance de l’art équestre français. Au-delà des divergences des différentes écoles, il reste le grand Maître incontesté de toute l’histoire de l’équitation.
Au début du XIXème siècle, Antonio Franconi introduisit les airs de dressage sur la piste du cirque. Son fils Laurent, surnommé La Majesté à cheval, imposa dans l’univers circassien la haute école, appelée aussi équitation savante, à partir des années 1820. Il était considéré alors comme l’héritier des traditions de l’Ecole de Versailles.
Le maître François Baucher
François Baucher (1796-1873) débuta au Cirque des Champs Elysées, au printemps 1839. Dans le monde hippique, ce fut une révolution. Ce mot n’est pas trop fort pour expliquer l’influence que cet homme de cheval allait exercer dans le monde du Cirque et auprès des adeptes de l’art équestre. Il eut de nombreux élèves de qualité, tels Caroline Loyo et Pauline Cuzent, le général L’Hotte ou les grands directeurs Gaetano Ciniselli, Théodore Rancy, Magnus Hinné ou Fernando.
Avec ses montures célèbres comme Capitaine, Neptune, Buridan, Partisan, François Baucher triompha à Paris, puis parcourut l’Autriche, les états allemands et italiens. Elève de Baucher, Caroline Loyo, surnommée la diva de la cravache, fut une des premières écuyères à présenter des airs d’école. En 1833, elle débuta au Cirque Olympique du boulevard du Temple puis passa au Cirque des Champs Elysées. Son succès fut considérable. Elle obtenait de véritables triomphes avec ses présentations de Rutler, Russe, Jupiter ou Junon.
Les amazones
Pauline Cuzent, à son tour, fut une révélation. Elle représentait le type idéal de l’amazone. Après ses débuts à Paris avec Buridan, elle s’imposa à Berlin, Vienne et en Russie. Des années 1840 à la fin du siècle, l’écuyère d’école incarnait l’idéal féminin. Thérèse Renz ou Elvira Guerra montaient en amazone.
La haute école sans bride fut créée par Adèle Drouin, en 1868, sur sa jument Diane. Elisa Paetzold triomphait tant à Berlin, à Vienne, qu’à Paris, avec Lord Byron que lui avait offert l’impératrice Elizabeth. De nombreuses écuyères de cette époque, de Adelina Price à Béatrice Chiarini, en passant par Virginie Léonard ou Anna Fillis, eurent leurs heures de gloire.
Après 1870, des écuyères comme Marguerite Dudley, la baronne de Rhaden, ou Blanche Allarty qui pratiquait aussi la voltige, furent des étoiles de la piste. La dernière grande écuyère du XIXe siècle fut Emilie Loisset, avec ses trois chevaux Ben Azet, Mahomet et Pour Toujours.
La recherche de l’équilibre
La dernière partie du XIXème siècle vit l’avènement de James Fillis. L’année même de la mort de François Baucher en 1873, James Fillis fut engagé par Victor Franconi. Ce fut une révélation. Sa méthode était basée sur la recherche de l’équilibre et de la légèreté du cheval sans le mouvement en avant. Il dressa Markir, Germinal, Povero. Ses chevaux excellaient dans tous les airs de haute école.
Les écuyers d’écoles furent nombreux à cette époque où le cheval était roi, de Théodore Rancy, qui montait sans selle ni bride, à Gustave Gaberel sur Chicago en passant par Emile Gautier, le créateur de la haute école sur table. Dans les pays germaniques, Baptiste Loisset révéla l’équitation savante au public déjà conquis par la belle écuyère Philippine Tourniaire.
À leur suite, Edouard Wollschlaeger, ou Ernest Renz sur Soliman, furent des écuyers de grande classe. Gaspard, Hamlet et Valentine, les montures de Magnus Hinné, étaient célèbres en Scandinavie.
Albert Schumann, un des plus extraordinaires dresseurs de chevaux en liberté de tous les temps, fut un écuyer d’école d’un niveau comparable à James Fillis. Ses chevaux d’école Hertus, Dunkelberg, Baron Tzigane, Nord-Express étaient connus de tous. Oscar Carré et Amélie Salamonsky présentaient une double haute école sans selle, qui marqua leur époque.
Les successeurs
Au XXème siècle, Georg Foottit-Burckhart, Haeckanson-Petoletti, Carl Hess et Albert Carré furent les dignes successeurs des grands écuyers d’école. Baptista Schreiber fut une grande centauresse de la Belle Epoque. L’écuyer portugais Roberto de Vasconcellos, à la prestance magnifique, enthousiasma les Parisiens en 1928, avec son cheval Dynamite. Il revint à l’Empire de Paris, en tête d’affiche avec un énorme boulonnais.
José Moeser, qui montait Sultan, présentait un travail dans l’esprit de l’école espagnole de Vienne, fidèle aux anciens airs du temps de La Guérinière.
Dans la deuxième partie du XXème siècle, Otto Schumann enthousiasma les aficionados de l’équitation savante. Vinrent ensuite Yves de la Cour, Frédy Knie Senior et Junior, Dany Renz, ou Willy Meyer qui montait Hercule un percheron de 800 kilos. Alexis Gruss senior avec Fend l’Air et Sacha Houcke avec Apollo soulevaient régulièrement des ovations de la part du public. Nuno Oliveira, maître de la haute école portugaise, triompha au septième Gala de la Piste, à Paris avec son pur-sang andalou Euclides.
Si les écuyères se firent plus rares, des artistes telles Benji de la Cour, Paulina et Katia Schumann, Nadia Houcke, Edith Schikler, Marie-José Knie, Manuela Beloo, maintinrent avec distinction la grande tradition. À Medrano, en 1962, Lilo, d’une beauté remarquable, présentt un strip-tease, tout en faisant danser son cheval dressé par Yves de la Cour.
Pferde Palast
En Allemagne, Franz Althoff, fils d’Adolf, a créé, en 1995 un spectacle sous chapiteau, intitulé Pferde Palast, dédié au cheval, où les nombreux aficionados de l’art équestre pouvaient apprécier des carrousels et la haute école.
La famille Saabel, présentait au Cirque de Noël de Toulouse, en 2012, une triple haute école et, l’année suivante, au Cirque Reinhardt Probst, Loïk Teutch fit découvrir aux amateurs de Cirque la doma vaquera, cette discipline équestre ibérique originaire d’Andalousie et du Portugal, issue de l’équitation avec les taureaux de combat. En France, Lucien Gruss et Alexis Gruss Junior continuent de s’imposer comme des maîtres écuyers par excellence.
Autres définitions pour la Haute école
Principaux airs de manège : Cabrade, Changement de main, de pied, Demi-volte, Huit-de-chiffre, Jambettes, Pas espagnol, Trot allongé, espagnol, Pas de deux pistes, Passage, Piaffer, Pirouette au galop, Révérence sur un genou, Salut à deux genoux, Serpentine, Voltes.
Principaux airs spéciaux : Balancer de l’arrière main, de l’avant-main, Changement de pied au galop sur place, Demi-cabrade, Galop en arrière, sur place, sur trois jambes, Lançade, Levade, Mésair, Passage en arrière, Piaffer ballotté, Pesade, Pirouette renversée sur trois jambes, Pivot, Reculer sans rênes, Rigaudon, Trot en avant, en arrière.
Double haute école : Attraction équestre présentée par deux écuyers. La création de la double haute école est attribuée à Albert Salamonsky. Cette présentation ne doit pas être confondue avec la haute école en tandem, où l’écuyer dirige, en grandes guides, un second cheval.
Haute école aux longues rênes : Manière originale de présenter un numéro de haute école. L’écuyer, à pied, fait exécuter les airs en commandant le cheval par de longues rênes. José Moeser fut un des promoteurs de cette présentation. En février 1935, à Medrano, Albert Ostemeyer présenta à grande guides, Dohéos, le plus beau cheval du monde. Par la suite, la haute école aux longues rênes fut reprise par Sacha Houcke, Frédy Knie Senior et Junior, Alexis Gruss Senior ou Carl et Christel Sembach.
Autres définitions – suite
Haute école avec attelage : Airs de haute école exécutés par un cheval attelé à une voiture à deux roues. En 1954, Violette Carré conduisant un sulky, et Albert Carré, à cheval, présentaient une double haute école originale. Cette présentation fut reprise par Sabine Rancy et Dany Renz, Marion Houcke, ainsi que par Mary-José Knie et son mari.
Haute école aux longues rênes en tandem : Travail à deux chevaux, tel que le présentait Ernst Renz. L’écuyer, sur le cheval dit porteur, dirige aux longues rênes, l’autre qui le précède, appelée flèche. Lors de la venue à Paris du Cirque Sarrasani, en 1960, José Moeser, dans sa haute école en tandem, montait Realtor et dirigeait aux longues rênes Vic du Verdier.
Haute école sans bride : Numéro complet qui fut présenté par Adèle Drouin ou Théodore Rancy. Dans cette présentation particulière, les aides se réduisent uniquement aux jambes et à la cravache de l’écuyer. Frédy Knie Senior présentait, en 1950, son hongrois Rablo sans selle ni bride. Son fils Frédy Knie prit la relève avec son andalou Parzi.
La danseuse et le cheval : Numéro présenté par un duo composé d’une ballerine et d’un écuyer de haute école, où le cheval et la danseuse exécutent ensemble les mêmes pas de danse. La création de ce classique de la Piste est attribuée à Lola Schumann et Albert Carré. Il fut présenté également par Ernst Carré, Henri et André Rancy, Michèle Marconi et Yves de la Cour, Liliane Daydé et Dany Renz …
Ce numéro fut repris, en 2012, par Mathilde François et Alexis Gruss junior, au Cirque National Gruss.
Dominique Denis
Sources
- Haute Ecole : Pratique de l’équitation d’après les maîtres français – E. Saurel – p 9-13-33 -61 à 71.
- M. H. C. – H. Thétard – p 61-68-79-80-398 à 412-551.
- Haute école au cirque – H. Thétard – C. U. n° 16.
- Considérations sur la haute école au Cirque – H. J. Lijsen – C. U. n° 19.
- La haute école au Cirque – H. J. Lijsen – C. U. n° 34.
- James Fillis – H. Cazier-Charpentier – C. U. n° 58.
- H. J. Lisjen – C. U. n° 66.
- Caroline Loyo – H. Cazier-Charpentier – C. U. n° 86.
- Les airs spéciaux de fantaisie – H. Cazier-Charpentier – C. U. n° 90.
- Le dressage des chevaux pour la haute école – H. Cazier-Charpentier – C. U. n° 97.
- Le Cirque et ses Etoiles – T. Rémy – p 24-48-50-54.
- C. L. – J. Baudez – n ° 120.
- Le cirque commence à cheval (2 e édition) – Adrian – p 46 à 52.
- Vie de cirque – J. Medrano – p 212-213.
- Au Cirque Medrano – L. R. Dauven – C.U. n ° 47.
- Le Cheval Roi – M. et J. D. Dossenbach – p 387.
- Pferde Palast – G. Hamel – C. U. n° 189.
- C. U. n° 244-248.
Sources – suite
- Principaux airs de manège : Cheval et art équestre – H. Cazier-Charpentier – G. L. C. – Vol II – p 38.
- C. L. – J. Baudez – n ° 120.
- Principaux airs spéciaux : C. L. – J. Baudez – n ° 120.
- Les airs spéciaux de fantaisie – H. Cazier-Charpentier – C. U. n° 90.
- Cheval et art équestre – H. Cazier-Charpentier – G. L. C. – Vol II – p 38.
- Double haute école : M. H. C. – H. Thétard – p 403.
- Echo – 12/ 1954.
- Le cirque commence à cheval – Adrian – p 38.
- Haute école aux longues rênes : Cheval et art équestre – H. Cazier-Charpentier – G. L. C. – Vol II – p 52.
- A Medrano – H. Thétard – 2/1935.
- Medrano – Annonce de presse – 2/1935.
- A ticket to the Circus – C. P. Fox – p 148.
- Haute école avec attelage : Cheval et art équestre – H. Cazier-Charpentier – G. L. C. – Vol II – p 52.
- Haute école aux longues rênes en tandem : Cheval et art équestre – H. Cazier-Charpentier – G. L. C. – Vol II – p 18.
- Sarrasani à Paris – M. Hauriac – C. U. n° 37.
- Haute école sans bride : Cheval et art équestre – H. Cazier-Charpentier – G. L. C. – Vol II – p 52.
- La haute école sans bride – H. Cazier-Charpentier – C. U. n° 70.
- La danseuse et le cheval : Cirque Parade – Adrian p 125.
- M.H.C. – H. Thétard – p 117-338
- C. U. n° 247.
Extrait et adaptation de : L’Encyclopédie du Cirque – Dominique Denis – Arts des 2 mondes – version e book
A lire :
- A Pictorial History of Performing Horses – Charles Philip Fox – New York – Bramhall House – 1960.
- Cheval Spectacle – Frédéric Chehu – Proxima – 2003.
- Chevaux et cavaliers arabes – Collectif – Paris – Gallimard – 2002.
- Dictionnaire raisonné d’équitation – François Baucher – jeanmichelplace – 1833.
- Ecole de cavalerie – François Robichon de la Guérinière – Paris – Jacques Guérin – 1769.
- Ecuyers et Ecuyères – Baron de Vaux – J. Rothschild – Paris – 1893.
- Histoire des chevaux célèbres – Pierre-Jean Baptiste Nougaret – Paris – Depelafol – 1821.
- James Fillis – Gabriel Cortès – Belin – Paris – 2016.
- Journal de dressage – – James Fillis – Flammarion – 1903.
- La Merveilleuse Histoire du Cirque – Henry Thétard – Prisma – trois volumes – 1947.
- L’Art de la Cavalerie… Gaspard de Saunier – Paris – Claude-Antoine Jombert – 1756.
- Le cheval et la guerre du XVème au XXème siècle – Collectif sous la direction de Daniel Roche – Paris – Association pour l’académie d’art équestre de Versailles – 2002.
- Le cirque commence à cheval – Adrian – 1968.
- Le cirque et ses étoiles – Tristan Rémy – Bruxelles – Artis – 1955.
- Le Grand Livre du Cirque – Monica J. Renevey – Edito-Service – Genève -1977.
A lire – suite
- Le Manège Royal – Antoine de Pluvinel – Paris – Willy Fisher – 1968.
- L’Escuier français qui enseigne à monter à cheval et à voltiger, à bien dresser les chevaux… Louis Imboti de Beaumont – Paris – Beaumont – 1682 – 1684.
- Les maîtres de l’équitation classique – André Gérard – Verviers – Marabout – 1974.
- Méthode d’équitation – François Baucher – Librairie de Mézière – 1842.
- Méthode pour bien dresser les chevaux ; ensemble de l’assiette parfaite du cavalier à cheval – Sieur de B. – 1682.
- Œuvre par laquelle on apprend à travailler les Chevaux selon la nature par la subtilité de l’Art… William Cavendish duc de Newcastle – Anvers – Jacques Van Meurs – 1657.
- Pratique de l’équitation – Louis-Charles Mercier Dupaty de Clam – Paris – Lacombe – 1769.
- Pratique de l’équitation d’après les maîtres français – E. Saurel – Flammarion – Paris – 1964.
- Principe de dressage et d’équitation – James Fillis – Flammarion – 1891.
- Spettacolo a cavallo – Giancarlo Pretini – Udine – Trapezio – 1993.
- The art of riding, set foorth in e breefe treatise, with a due interpretation of certeine places alledged out of Xenophon and Gryson – John Astley – London – M. Denham – 1584.
- Une histoire du cheval – Jean-Pierre Digard – Actes Sud.