Pendant la première partie du XXème siècle, dans la région parisienne, des cirques comme Cordioux, Lambert, Zanfretta, animaient de pétulantes parades.
Arrêtez la musique !
Dans tous les pays, les parades des cirques étaient conçues selon le même schéma. Le fronton de la façade était orné de tableaux peints représentant des scènes hippiques ou des clowns. Au centre, sur l’estrade surélevée, trônait la caisse contrôle en bois sculpté derrière laquelle officiait la patronne. La troupe au grand complet, entourée de quelques animaux prenaient des poses avantageuses. L’orchestre composé de cuivres interprétait des marches entraînantes. Les filles de la maison esquissaient des pas de danse. Enfin l’aboyeur entonnait son boniment :
« – Arrêtez la musique ! Tenez, Mesdames et Messieurs approchez-vous… »
Il présentait ensuite les différents artistes qui donnaient un rapide aperçu de leurs talents, un petit équilibre, une petite jonglerie et quelques blagues de clowns. Il annonçait ensuite le prix des places à la portée de toutes les bourses, et incitait le public à entrer à l’intérieur du chapiteau sans plus tarder… On commence de suite, hâtez-vous ! Prenez vos places !
Les musiciens reprenaient une marche dynamique, on sonnait la cloche, et le public n’avait plus que le choix de suivre les entraineurs, ces barons qui, d’un pas décidé, montaient les premiers les marches de l’estrade et prenaient leur billet d’entrée.
Pas de première, pas de seconde !
Voici le boniment de la Parade Foraine du Cirque J. M. Robba qui fut enregistrée sur un disque microsillon, 45 Tours :
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- « – Venez Mesdames, Messieurs, approchez de quelques pas en avant, la parade du Cirque commence à l’instant même. (Musique).
- Mesdames et Messieurs, maintenant que la parade est terminée, je vais vous présenter tous les artistes qui travaillent à l’intérieur du chapiteau :
- Pour commencer Mademoiselle Marguerite dans son numéro de trapèze, dans le saut de la mort.
- Monsieur Charlie qui présente ses chiens comédiens ; vous les verrez habillés, costumés, chacun représenté dans des rôles différents les uns et les autres.
- Nos célèbres clowns qui présentent les oies savantes avec leur enterrement.
- Vous verrez la plus petite cavalerie qu’il y a au monde.
- Egalement, mademoiselle Gina dans son numéro de fil de fer classique.
- Notre dompteur Fortunio et ses lions de l’Atlas.
- Et à chacune de nos représentations, Mesdames et Messieurs, pas de bluff au petit cirque.
- À l’intérieur de l’établissement, tout le monde est très bien placé.
- Il n’y a pas de première, pas de seconde. Vous avez des places à 20 francs, demi places pour les enfants et Messieurs les militaires. Les premiers entrés sont toujours les mieux placés.
- Par ici la caisse contrôle ! Avancez ! Suivez ! Suivez !
- Prenez vous places ! Prenez vos billets ! »
Girandoles d’arabesques
La parades de Fanni fut un des derniers à se produire dans les foires. Dans un des ses articles, Serge écrivait :
« … Sa parade est un éblouissement avec ses danseuses pâles comme la mort, ses Augustes outrageusement maquillés, ses étoiles factices et ses girandoles d’arabesques 1900. Au premier roulement de tambour, aux premiers accents des trompes de chasse, à la minute exacte où s’envole le froufrou pailleté des demoiselles esquissant une fausse polka, vous êtes conquis… »
Le journaliste Tristan Rémy notait dans Les Lettres Françaises :
« … Chez Fanni, la parade a pour cadre l’estrade, où trois chevaux, dressés sur leurs membres postérieurs, mangent des lampes électriques. Les musiciens font à eux-mêmes, pour qui sait les voir, un numéro réussi. Les amateurs de cirque savent que le sketch des musiciens sort de là. En face, la caissière, madame Fanni en personne. De l’autre côté, une demi douzaine de danseurs aux jambes solides et nues, aux regards débaucheurs. Car la nécessité d’une parade n’est qu’une des formes de la publicité… »
Kermesses ambulantes
Après que les petits cirques aient abandonné les foires, des grands établissements reprirent à leur compte le principe de la parade, comme le Nouveau Cirque de Paris de Shérif et Emilienne Amar, en 1944. Dans le journal Aujourd’hui, en quelques lignes, Yvon Novy en fit un compte-rendu :
« … Sous un curieux portique bariolé, un monsieur en habit rouge et chapeau haut de forme s’égosille avec un clown du beau vert. Il y a une écuyère en longue robe blanche, deux nains, une danseuse bottée et six musiciens aux cuivres déchaînés. C’est la parade du cirque Emilienne Amar. La Porte Maillot entière en résonne… »
Quelques années plus tard, le Radio Circus, sous l’égide de Radio Luxembourg, offrait une grande parade sur un podium avec des jeux comme la course au trésor ou la course aux coffrets animés par Zappy Max et des attractions de choix tel Lothar, l’équilibriste au trapèze Washington ou les Clérans avec leur saut de la mort. En 1958, les frères Bouglione présentèrent autour de leur chapiteau une véritable kermesse ambulante intitulée La grande Parade avec le concours de Radio-Luxembourg et Radio-Monte-Carlo et avec des podiums animés par la Régie Renault, la revue Elle et La Pie qui chante.
Enfin, il convient de saluer Francis Schoeller qui, pendant plusieurs années, au Ranelag ou dans les Jardins des Tuileries, anima la parade de son Cirque de Paris.
Claudia Vivaldi
Extrait de : Parades foraines et leurs boniments – Claudia Vivaldi – collection Dossiers Histoire de l’Histoire du Cirque – 2008 (en cours de réédition).
Sources
- Cirques en bois, Cirques en pierre de France – Charles Degeldère et Dominique Denis.
- Les Saltimbanques – Gaston Escudier.
- Arrêtez la musique !
- Cirques en bois, Cirques en pierre de France – Charles Degeldère et Dominique Denis.
- Forains d’hier et d’aujourd’hui – Jacques Garnier.
- Les Romanichels et le Cirque – Jean-Charles et G. A. Howland – Problèmes – n° 35.
- Le milieu forain – Jean Baudez – Vie et Langage – n° 117.
- Pas de première, pas de seconde
- Parade Foraine – BAM – EX – 224 – Cirque J. M. Robba.
- Disco-Circus – Jean Devove – Scènes et Pistes.
- Girandoles d’arabesques
- Histoire illustrée des cirques parisiens – Adrian.
- Fanni le dernier des forains – Serge.
- Le Cirque – Tristan Rémy – Les Lettres Françaises – 26/6/1936.
- Kermesses ambulantes
- Les Cirques des Frères Amar – Dominique Denis.
- Parades, dressages, acrobates et clowns au Nouveau Cirque de Paris – Yvon Novy – Aujourd’hui – 17/7/1944.
- Le Radio-Circus – Des ondes à la Piste – Collectif.
- Les jeux radiophoniques au Radio-Circus – Radar – 26/8/1951.
- Annonce Radio-Circus – La Wallonie – juin 1953.
- Cirque Bouglione – Das Organ – avril 1958.
- Le chapiteau Bouglione – Jacqueline Charpentier – Le Cirque dans l’Univers – n° 29.