Limoges fut une ville de France qui put s’enorgueillir de posséder de 1925 à 1958 un magnifique cirque municipal en pierre.
Cirques en bois et en pierre de Limoges
A l’époque Gallo-Romaine, Augustoritum, la capitale du Limousin, possédait un amphithéâtre sur le coteau dominant la ville. Certes, les spectacles n’avaient pas de rapport avec ceux du cirque moderne, mais il est intéressant de noter que cette cité accordait de l’importance aux jeux et aux distractions. Cependant, les archives municipales de Limoges restent muettes sur l’histoire des cirques au XIXe siècle. Il ne reste rien, hélas, des cirques. Cependant, nous avons quand même trouvé le passage du célèbre écuyer John Ducrow, avec sa compagnie, en 1821, de Plège, en 1884 et 1892, de celui du Cirque Continental, dirigé par Léon, en juin 1886, du Cirque Impérial des frères Godefroy, en 1870, de Théodore Rancy, en juin 1889, ainsi que de Ducos, en 1895.
Il semble raisonnable de penser que de nombreux cirques s’installèrent dans le chef-lieu de la Haute-Vienne, puisqu’en 1894, le Conseil municipal émit l’idée de monter un cirque-théâtre en bois. Rien ne prouve cependant qu’un bâtiment fut effectivement construit à ce moment là.
Le cirque en planche de Limoges
Une construction en bois fut montée, en mai 1896, par Plège qui présenta la fameuse troupe de cyclistes Ancillotti, et un autre bâtiment, le même mois de l’année suivante, pour le Cirque Théodore Rancy, dirigé par Olive Rancy et ses fils. Rancy donna des représentations, avec une la troupe Hassan-Avérino et les fameux icariens Freire. La pantomime était intitulée L’été et l’hiver. Madame Lenka, en 1898, et la famille Ducos, l’année suivante, donnèrent à leur tour des représentations.
Barnum & Bailey vint passer deux jours à la fin du mois de mai 1902, ce qui n’empêcha pas la Municipalité de faire ériger un cirque en planches Place Jourdain. Le Cirque Sivieri présenta en 1903, les fameux barristes aériens roumains Luppu, et le clown Babylas dans la parodie de l’écuyère 1830. L’année suivante, le Cirque Continental, dirigé par les frères Roche, se produisit à son tour. Despard-Plège s’installa ensuite, en 1905, avec au programme le clown Cashmore, et la troupe de volants Rixford. Pour le final, la compagnie interprétait Le Harem, une fantaisie orientale.
On démonte, on monte et on remonte…
En septembre 1906, le cirque en planches fut démonté, et remonté l’année suivante Place de la République. Le cirque André Plège mit à l’affiche les Nagel, icariens, Félix Gontard et ses chats, ainsi que les clowns Bébé et Cyerillo. Puis des séances cinématographiques furent alors proposées aux Limougeauds.
Les Jeux de la Piste furent remis à l’honneur en juin 1908, avec le Cirque Continental, dirigé par Verdan. Le 27 septembre 1909, la cabine de projection prit feu, et le cirque fut totalement détruit. L’année suivante, à l’occasion des fêtes de la Saint-Loup, Alice Plège fit élever une nouvelle construction en bois. Ce cirque sera ensuite démonté en novembre 1913. Despard-Plège vint du 28 mai au 31 juillet 1911, et l’année suivante, en juin, on put assister au spectacle du Cirque Apollo, dirigé par Kohlofer.
Le Conseil Municipal décida fermement de faire construire un cirque en dur, en février 1911. La décision enfin prise, les Limougeauds durent attendre hélas, jusqu’en 1925, avant de voir réaliser ce si beau projet ! Malgré ces mirifiques intentions, des directeurs de cirques entreprenants firent monter à leur compte des constructions. Ainsi, en juillet 1917, Alexandre Palisse présenta un spectacle réunissant deux équipes de clowns, Dario et Ceratto, et Bob O’Connor et Chocolat. On revit ce cirque, sous chapiteau, en 1920 et l’année suivante, avec le célèbre fildefériste Robledillo.
Le cirque de Limoges enfin construit
Le 16 octobre 1925, après avoir patienté 14 ans, les Limougeauds purent assister à la première de leur cirque.
Ce cirque en pierre, dessiné par l’architecte Emile Robert, comprenait trois corps de bâtiment : L’entrée principale, l’amphithéâtre, et les dépendances. L’entrée constituée d’un portique de trois baies, donnait sur le hall du contrôle. L’intérieur était décoré par des panneaux signés Widhorff. Deux escaliers donnaient accès aux places de seconde. L’amphithéâtre, un polygone de 16 côtés, avait une largeur de 38 mètres. Il y avait 1.860 places assises, et la piste mesurait 13 mètres de diamètre. La charpente était métallique, et la hauteur du bâtiment était de 18,75 mètres. L’orchestre se situait sur une tribune au-dessus de l’entrée des artistes. Quatre issues de secours permettaient une évacuation rapide. La salle était chauffée par un ensemble de 36 radiateurs. Les dépendances comprenaient des loges, des écuries pour une cinquantaine de chevaux, la buvette, la billetterie et les sanitaires.
De Cazautet à Palisse
J. Cazautets, le concessionnaire du cirque municipal, organisa les premiers spectacles avec le concours du trio Hassan, au fil-de-fer, et des acrobates fantaisistes Mazuz et Mazette. Le Zoo-Circus vint terminer sa saison d’hiver au Cirque Municipal, du 15 décembre 1925 au 15 janvier 1926. Pour la petite histoire, il est intéressant de noter que le cirque des frères Alfred et Jules Court avait donné ses premières représentations sous son chapiteau, Place du Théâtre, en 1921.
Retournons au Cirque Municipal, en mai 1927, où les Limougeaux purent applaudir la troupe des 8 Breier, et en décembre, les trapézistes Alexims.
De 1927 à 1930, Palisse donna chaque année des représentations. Entre-temps, la salle fut adaptée en théâtre, en 1928, avec l’adjonction d’un vélum. Cependant, le cirque devait conserver ses prérogatives. En juin, on pouvait voir à l’affiche le trio Guerre, dans une course à la mort à motocyclette, puis les rois de l’air, les Rainat, et l’année suivante, les éléphants de Rossi. En 1930, on put applaudir l’ondine Miss Swan qui plongeait dans une cuve d’eau.
Naissance d’un Auguste
André Rancy, qui avait pris la suite de Palisse, présenta, en juin 1933, ses deux singes trapézistes Djibo et Oyem, les clowns Mendez, et les Flying Banward au tremplin élastique.
Il faudra 20 siècles, pour que la ville d’Augustoritum donne enfin naissance à un Auguste. Le 28 avril 1934, Alphonse Zavatta était engagé avec son épouse Julia, par André Rancy, pour présenter son numéro de contorsion, et remplacer le comique dans la troupe équestre des Germain. Au même programme, le clown Robert Despard, dit Despard-Plège, était engagé, mais se trouvait sans partenaire. Le directeur proposa alors à Alphonse de donner la réplique au clown Despard. Aussi vite dit, aussi vite fait, et c’est ainsi qu’Alphonse fit ses débuts en tant qu’Auguste. Ce fut tout de suite le succès. C’est ainsi qu’Alphonse s’est métamorphosé en Achille Zavatta, le clown le plus populaire de France.
Au programme suivant, André Rancy engagea Dick Carter, l’évadé perpétuel, Henri Rancy et sa cavalerie, et les fameux clowns Rico et Alex Briatore.
En décembre 1936, le Cirque Municipal de Limoges, sous la direction artistique d’André Rancy, mit à l’affiche la mystérieuse Princesse télépathe Zama, et les trapézistes volants Zemganno. L’année suivante, en juin, le Cirque des Alliés, fondé par Amédée Rigenbach, annonça Steens, l’évadé perpétuel, Fessi et ses animaux, et les clowns belges French.
Kicano monta un spectacle, en décembre 1937, avec le malicieux éléphant Mago, les cyclistes Novello, et la troupe acrobatique Molinoff. L’année suivante, André Rancy eut la bonne idée d’inviter les clowns Manetti et Rhum.
Derniers spectacles du Cirque Municipal de Limoges
On put applaudir, au Cirque Municipal de Limoges en 1943, les Fratellini, entourés des fauves de Roger Spessardy et des éléphants d’Angelo Tassi. Fin 1947, André Rancy présenta le siffleur Natol, les trapézistes Marconis, et les frères Zavatta. L’année suivante, en mai, on put applaudir Pierrely dans sa marche au plafond, Lothar au trapèze Washington, les Clowns Dario-Bario, et Pipo et Rhum. En mai 1949, les vedettes du programme furent le magicien De Recroy, les clowns Maïss et Béby, et la Ménagerie Pezon.
Au fil du temps, la gestion de ce cirque devint de plus en plus problématique notamment à cause de sa contenance trop faible pour être suffisamment rentable. Avec la prolifération des grands chapiteaux, dans cette période d’après la guerre, plus aucun directeur ne put monter de spectacles dignes de ce nom. L’argent n’entrant plus dans les caisses, les édiles ne virent qu’une solution : la démolition. Ce qui fut fait en 1958. Une fois de plus, un monument, témoin de la vie culturelle d’une cité, fut détruit lamentablement.
Une exposition sous le signe des arts à la rencontre du cirque, organisée par le musée municipal de l’Evêché, est prévue au printemps 2002. Souhaitons que cette manifestation redonne le goût du Cirque aux Limougeauds…
Extrait de : Cirques en bois, cirques en pierre de France – Charles Degeldère et Dominique Denis – deux volumes – Arts des 2 Mondes – 2003. (en cours de réédition).
Sources : Cirques en bois et en pierre de Limoges
- Plan de la ville.
- The life and art of Andrew Ducrow – A. H. Saxon.
- Courrier des frères Godefroy.
- Notes Alain Nénert.
- Les cirques stables en France (1900-1950) – Alfred Court – Le Cirque dans l’Univers – n° 15.
- Architectures du Cirque – Des origines à nos jours – Christian Dupavillon – p 125-127.
- Grand Répertoire Illustré des Cirques en France – Robert Barrier – p 263 à 265.
- Der Artist – 1884-1892-1895 à 1899.
- La fantastique tournée en France de Barnum & Bailey – Dominique Denis.
- Le Nouvelliste – 1903 à 1908 – 1910-1911-1912-1922 à 1949.
- Programmes – Cirque Municipal – Palisse – Plège – Despard-Plège – Cirque d’Hiver – André Rancy – Cirque-Théâtre Municipal.
- Courrier : Ville de Limoges – Direction des Services d’Archives.
- Sur le chemin des grands cirques voyageurs – Adrian – p 45.
- Album Maïss – Dominique Denis – p 6.
- Il était une fois les Zavatta – Catherine Zavatta – René-Charles Plancke – p 43.
- 30 ans de cirque – Zavatta – p 13 à 18.
- Feu, le Cirque-Théâtre – Roger Leclerc – Le Populaire du Centre – 8/7/1958.
- Anciens cirques de Limoges – 24/5/1984.
- Du cirque en bois au grand théâtre – P. Colmar – 21/2/1988.
- Le cirque Théâtre – 28/2/1988.
- Limoges : Histoires des théâtres – Le Populaire du Centre – 24/3/1993.
- Le Cirque-Théâtre sur la piste des souvenirs – F. Adeline – 17/11/2001.
- L’envers de la gardine – Vivre Limoges – n° 18.
À Lire
Cirques en bois, cirques en pierre de France – Charles Degeldère et Dominique Denis – deux volumes – Arts des 2 Mondes – 2003. (en cours de réédition)
(en cours de réédition)