La famille Bouthors, une des plus anciennes de la profession, présenta en France, au XIXème siècle, des spectacles équestres de grande qualité.
Le premier cirque Bouthors
Dans les annales du Cirque, le nom de Bouthors apparaît en 1804 avec Jean-Baptiste Bouthors. Comme les Franconi ou les Lalanne, cette famille peut être considérée comme une des plus anciennes de la profession (dans de nombreux actes d’état civil, le nom de Bouthor est écrit sans S).
Selon l’extrait du registre de l’état civil d’Iville (dans l’Eure) Jean-Baptiste Bouthors était né à Hautecloque (Pas-de-Calais) en 1755, et décédé le 2 juin 1823. Son épouse Marie-Antoinette Minime termina ses jours en 1844 également dans le même bourg.
Dans ses mémoires, Théodore Rancy, qui dans ses mémoires, consacra quatre pages à cette famille, relatait que le premier établissement des Bouthors se résumait en un simple tour de toile avec une petite piste de 7 mètres de diamètre, entourée de deux rangées de bancs.
Le chapiteau
Après le décès de leur père Jean-Baptiste, ses enfants prirent la direction du cirque. Ils reprirent la route à l’assaut des grandes villes, comme Tours en 1823. Il s’annonçait comme le premier voltigeur de France. Ils s’installèrent également à Nantes, Place de la Petite Hollande, en juin 1828.
Un descendant du patriarche, Louis François Guillaume, né le 28 octobre 1793 à Caen, marié avec Jeanne-Adeline Collignon (née le 10 avril 1798 à Nîmes), et assisté de ses fils Alphonse, Joseph, Adolphe, Auguste, et Alfred, fonda un autre cirque en 1830. Au mois de juin de cette même année, installé Place Bannier à Orléans lors de la Foire, l’établissement s’intitulait Le Cirque Olympique des frères Bouthors. La cavalerie comprenait 16 chevaux. Au programme : La Poste sur six montures et pour le final Le défilé de l’empereur. Voici les états civils des 5 frères Bouthors relevés par Paul Salasca :
1 – François Alphonse, né le 7 Janvier 1819 au Mans (marié avec Jeanne Gulielme), décédé le 18 septembre 1866 à Saint-Germain-en-Laye.
2 – Joseph Aminthe, né le 22 avril 1821 à Vimoutiers ( marié avec Victorine Pauline Poulain), décédé le 25 novembre 1899 à Rouen.
3 – Adolphe, né le 19 mai 1822 à Alençon (mariée avec Désirée Denis), décédé le 31 décembre 1901 à Châtellerault.
4 – Auguste, né le 16 novembre 1829 à Rouen (marié avec Victoire Adèle Robinet), décédé le 10 novembre 1848 à Bordeaux.
5 – François Alfred né le 6 mai 1830 à Caen (marié avec Scolastique Guenon), décédé le 12 novembre 1879 au Havre.
Cirque Olympique
La troupe revint à Nantes en juillet 1835 et se produisit dans un établissement appelé Cirque Olympique, construit deux ans auparavant Place du Cirque, à côté du Pont Sauvetout. Dans l’ensemble, les affaires furent bonnes, et la famille acheta un domaine à Iville (à côté de Le Neubourg, sur la route menant à Elbeuf et Rouen) pour y établir leurs quartiers d’hiver. En 1937, elle fit construire une maison à la place de l’ancienne ainsi qu’un manège pour les chevaux.
Les Bouthors eurent l’idée d’utiliser un chapiteau pour donner leurs représentations dans n’importe quelle circonstance. Faute de documents prouvant le contraire, il est probable qu’ils aient été des précurseurs en la matière. À cette même époque, des forains comme les frères Grégoire, pour leur théâtre fantasmagorique, utilisaient des panneaux en bois assemblés par des boulons. Les Bouthors s’inspirèrent des tentes que les armées utilisaient lors de leurs déplacements. Ils achetèrent de la toile puis assemblèrent eux-mêmes les différents parties de la tente. Ce chapiteau, que l’on appelait parapluie, était une toile soutenue par un seul mât central, avec un pourtour. L’ensemble était arrimé par des cordages. Chaque année, au printemps, avant de se rendre à la foire de Bernay, la famille Bouthors organisait une cavalcade avec tous les membres de la troupe à cheval et offrait une représentation gratuite aux villageois de Le Neubourg.
Les 5 frères
Les cinq frères Bouthors faisaient sensation en exécutant une remarquable pyramide équestre à cinq sur deux chevaux. Tous étaient des acrobates à cheval de premier ordre, notamment Adolphe qui pratiquait la jonglerie équestre avec des assiettes, discipline particulièrement difficile.
La troupe se produisit à Bordeaux en 1841, à Cognac en 1843, à Rouen en octobre 1844, à Nantes en 1846 et 1847, soit sous leur chapiteau, soit dans des cirques-constructions. Il y eut, en 1842, sous l’enseigne Cirque National, un autre établissement dirigé par Bouthor (sans S) Aîné.
Cirque Impérial
À partir de décembre 1852, lorsque Louis Napoléon Bonaparte institua le second empire, les Bouthors changèrent d’enseigne pour s’appeler Cirque Impérial.
Guillaume-François eut le plaisir, en 1853, d’accorder la main de sa fille adoptive Joséphine Jordan à Antoine Plège qui allait devenir, par la suite, un des plus grands directeurs de cirque français de son époque. L’année suivante, en octobre, le Cirque des frères Bouthors donna des représentations à Rouen au Cirque de Saint-Sever, avec au programme, des artistes de choix comme le clown Auriol, son fils, les frères Lalanne, et un autre jeune écuyer qui n’était autre que Théodore Rancy. Les frères Bouthors se dirigèrent vers la capitale. Les demoiselles Vesque relatèrent qu’à Vaugirard, en 1857, ils eurent la malchance de voir leurs gradins s’écrouler. L’année suivante, décédait Victor Bouthors (dont nous ne connaissons pas la filiation exacte) décédait à l’âge de 23 ans.
Bouthors bienfaiteur
Par la qualité de leur travail, la famille Bouthors à la tête du Cirque Impérial s’était taillée une solide réputation. Le 30 mars 1862, Guillaume-François fit don d’une cloche à l’église d’Iville qui fut bénie par l’évêque d’Evreux, en présence du préfet de l’Eure, du président du tribunal civil et de nombreuses notabilités locales.
En 1865, l’établissement s’intitula : Cirque Impérial Bouthors frères réunis. Le chroniqueur Charles Monselet écrivit un article sur le Cirque Bouthors dans le Journal Illustré en 1867.
Jeanne-Adeline Collignon, la mère des cinq frères Bouthors, décéda en 1868 et Guillaume-François, trois ans plus tard. À Croutelle, près de Poitiers, le 14 juillet 1871, il tomba sous les roues de sa charrette et fut écrasé. Ses obsèques eurent lieu en présence de sa famille et de nombreux amis et admirateurs.
Le Cirque Bouthors continua de jouer de malchance, avec la perte de leur cavalerie décimée par une épidémie de morve. La grande période du Cirque Bouthors venait de s’achever.
Les descendants
Après le décès de leur père, ses fils montèrent, de leur côté, des établissements différents. Avec ses filles, dont une se faisait appeler Mademoiselle De Neubourg, Alfred Bouthors dirigea sa propre affaire qui dura quelques années. Les frères Adolphe et Joseph Bouthors, quant à eux, s’associèrent et travaillèrent en palc. Adolphe avait deux filles et quatre garçons, et Joseph, trois enfants.
Par la suite, le nom de Bouthors continua de briller sur les pistes des cirques. Ainsi, on nota les noms de Ferdinand et Victor en 1876, puis en 1885, ceux de Louise, Agnès et Théophile en 1885. À la même époque, il y eut un Cirque Franco-Américain dirigé par Alfred Bouthors qui cessa son activité en 1890. Trois ans plus tard, un Cirque Bouthors donnait des représentations à Dinan.
L’écuyère Joséphine Bouthors se produisait en 1894 au Cirque Moderne à Saint-Quentin en compagnie de la famille équestre Powell, le clown sauteur Gaston Houelle. Un Cirque Bouthors se produisit à Lille en janvier 1900. On retrouva Joséphine Bouthors avec ses oies savantes en 1901 à Amboise, Châteaudun et Houdan à l’Eden Place Cirque dirigé par J. Bouthors et G. Houelle.
Dans son Répertoire des cirques en France, Robert Barrier nota qu’en 1945, voyageait un cirque Bouthor (sans S) dirigé par Henri, Anatole, Gaston et Jules.
Le temps des hommages
La Municipalité d’Iville, en 1973, eut l’excellente idée de baptiser une de ses artères Rue Bouthors. La commémoration eut lieu en présence du préfet de l’Eure M. Hayem, le Maire M. Jardiller, de personnalités comme Manita Carrington, et les grands amis du Cirque Jean Biberon, Charles Oger et Jacques Garnier, l’auteur de Théodore Rancy et son temps. Une grande messe fut célébrée par P. Dumontier assisté P. Guillard, l’aumônier des Gens de Cirque, et accompagné musicalement à la trompette par le chef d’orchestre Adrien Terme. Laissons le mot de la fin à Ernest Molier, le gentilhomme du Cirque, qui confia un jour à Henry Thétard :
« … Bouthors, c’est le cirque qui m’a révélé les beautés du spectacle équestre. Tous les ans, le vieux Bouthors ramenait dans la capitale du Maine son Cirque Impérial, un bel établissement comparable à ceux de Théodore Rancy, de Bastien Franconi ou de Claude Loyal. Des chevaux bien tenus, de bons écuyers de belles écuyères que je revoyais dans mes rêves d’enfant… »
Dominique Denis
Sources : Bouthors
- Le premier cirque Bouthors
- Extrait du registre de l’état-civil d’Iville de 1823 à 1832.
- Théodore Rancy et son temps – Jacques Garnier – p 24-25.
- Le club du Cirque à Iville – L. R. Dauven – Le Cirque dans l’Univers – n° 89.
- Le chapiteau
- Cirques en Bois, Cirques en pierre de France – Charles Degeldère et Dominique Denis.
- Recherche généalogiques par Paul Salasca.
- Notes des demoiselles Vesque.
- Cirque Olympique
- Théodore Rancy et son temps – Jacques Garnier – p 24-25.
- Le Journal du Loiret – 3 juin 1830.
- La tente et le chapiteau – Christian Dupavillon – p 106 – 107.
- Les 5 frères
- Le Cirque Bouthors – Henry Thétard – Le Cirque dans l’Univers – n° 10.
- Cirque Impérial
- Victor Hugo, Bouthors et Franconi – Yves Delteil – Le Cirque dans l’Univers – n° 19.
- Les Jongleurs à cheval – Dominique Denis.
- Bouthors bienfaiteur
- Le club du Cirque à Iville – L. R. Dauven – Le Cirque dans l’Univers – n° 89.
- Le bonhomme normand – 29/07/1871.
- Un soir au Cirque Bouthors – Charles Monselet – Le Cirque dans l’Univers – n° 175.
- Les descendants
- Cirques en Bois, Cirques en pierre de France – Charles Degeldère et Dominique Denis.
- Théodore Rancy et son temps – Jacques Garnier – p 24 à 27.
- Le club du Cirque à Iville – L. R. Dauven – Le Cirque dans l’Univers – n° 89.
- Grand répertoire illustré des cirques en France – Robert Barrier – p 52.
- Le temps des hommages
- Le club du Cirque à Iville – L. R. Dauven – Le Cirque dans l’Univers – n° 89.
- Théodore Rancy et son temps – Jacques Garnier – p 27.
- Le Cirque Bouthors – Henry Thétard – Le Cirque dans l’Univers – n° 10.