Clown international, Rodolpho Zavatta, dit Rolph, fut un artiste complet, acrobate, homme-serpent, jockey, sauteur, perchiste et musicien.
Sous le parapluie de Sardaigne
Fils de Frederico Demetrio Zavatta et de Emma di Tomelleri, Rodolpho naquit le 24 mars 1906, à Sinnai, en Sardaigne.
Son frère Riccardo, dit Michel fut son père d’élève et lui enseigna les bases de l’acrobatie.
Rodolpho fit ses débuts de cavalier en 1812. Il avait six ans. L’année suivante, le cirque de son père Frederico Zavatta débarquait à Tunis. Excellent voltigeur, Rodolpho présentait un numéro de voltige à la Richard et de triple jockey avec ses deux frères aînés. Avec Michel et Achille, le petit dernier, il faisait partie du trio Fortunello, un numéro de cascadeurs flegmatiques. Enfin, il faisait valoir Louis dans des excentricités musicales. A douze ans, il endossa son premier costume de clown.
Du Magreb à la France
De nature indépendante, à seize ans, il partit au Cirque Amadori. De retour sous le parapluie paternel en Algérie, il fut initié à l’interprétation de la pantomime par le comique grimeZozo Novara.
Frederico Zavatta, en 1925, s’associa le temps d’une tournée au Maroc avec Georges Nava. Cependant, les affaires n’étant pas bonnes, Papa Zavatta retourna en Algérie, puis décida d’amener sa famille en France.
Douce France
La troupe Frederico Zavatta se fit engager, en 1927, au Zoo-Circus des frères Court. A la fin de la saison, Louis et Rodolfo arrivèrent chez les Bouglione, et y présentèrent l’entrée des Rossignols.
Ensuite, Rodolpho fit bande à part, et fit une expérience de cascadeur dans un film intitulé Mon ami Tim. Toujours seul, il partit en Espagne, au French-Circus, dirigé par Raoul Farina, en tant que voltigeur équestre et clown, en compagnie de Bouboule.
De retour en France, il tourna quelques mois avec Alfred Court qui dirigeait le Cirque Wilhem Hagenbeck, puis au Cirque Lamy, où il retrouva son frère Louis qui s’était marié avec Adrienne Lamy. Très actif, il participait alors à trois numéros : Le Frégoli à cheval, le saut à la batoude par-dessus trois automobiles et les clowns musicaux en compagnie de Tonino.
L’hélice humaine
En tournée, il rencontra, en 1931, Berthe Zone, une contorsionniste d’origine Belge. Deux ans plus tard, ils se marièrent. Sous la dénomination Betty et Rudy, ils montèrent un numéro de contorsion acrobatique sur piédestal et se produisirent au théâtre forain Cohen, en 1934. Outre leur numéro de contorsion, ils présentaient un sketch d’excentricités musicales, plus un numéro de perchiste intitulé l’hélice humaine.
Après cet engagement, il entra au Cirque Figuier, dirigé par Jules et Jean Figuier. Celui-ci était marié avec Elonora, dite Titine. Jean faisait l’Auguste sous le pseudonyme de Prosper. Naturellement, Rodolpho et Prosper firent équipe.
En 1936, Rodolpho passa chez Bureau. En première partie, il présentait son numéro d’excentricités musicales sous la dénomination Double-Patte et sa soubrette, puis le numéro de l’hélice humaine. En deuxième partie, il interprétait l’entrée du coffre-fortavec l’Auguste Landry.
A Medrano
Dans ce cirque mythique, en février 1937, Rodolpho était engagé par la famille d’Oreste Rastelli, en tant que clown sous le nom de Rudi, comme porteur au trapèze volant et pour un casting act au tremplin élastique. Ils étaient cousins, car Oreste avait épousé Lina Pollastrini, une cousine de sa mère. Ils interprétèrent plusieurs entrées comme Les assiettes cassées. La troupe Rastelli fut engagée ensuite en Scandinavie au Cirque Berny.
Après Medrano, ils firent la saison de Noël au Kelvin-Hall de Glasgow. La formation était composée d’Oreste Rastelli, son fils Alfredo, d’Aristide, originaire du Brésil, et de Rudi qui remplaçait Pépé Gabastou.
La guerre
Les Rastelli tournèrent en Allemagne et en Tchécoslovaquie avec le Cirque Krone en 1939. Lorsque les armées allemandes envahirent la Pologne, Rodolpho, homme de conviction qui avait opté pour la France, regagna rapidement Aulnay-sous-Bois. Il forma un duo avec Charles Manetti et furent engagé à Medrano, sous la dénomination Zawatta et Manetti. Appelé sous les drapeaux, Rodolpho partit rejoindre son régiment, le 6ème Dragon, à Rambouillet. Puis ce fut la défaite…
Alors, il vendit sa maison d’Aulnay et s’installa à Paris. Retrouvant Manetti, il fut engagés au cabaret Le Tyrol. Ils passèrent ensuite à l’Alhambra, au Gaumont Palace, au Cirque d’Hiver. A leur répertoire, figurait Hamlet, Donne moi du miel, Les tapissiers…
Sous les bombes
La K. D. F. les envoya au Winter Garten de Berlin, où ils interprétèrent l’entrée des Colleurs d’affiches. C‘était en 1944, puis partirent pour Munich, chez Krone… retour enfin en France, où il fut accueilli par la famille Figuier.
Manetti ne voulant plus voyager, les deux amis se séparèrent. Alors, Rodolpho se rendit au Cirque Lamy, où il présenta ses excentricités musicales et faisait le clown au côté de son frère Louis, dit Tonino. Il resta quatre saisons dans cet établissement.
L’accident
Sauteur émérite, il reprit, en 1947, son numéro de saut à la batoude par dessus trois automobiles, ce qui représentait une distance de 8 mètres 50.
A Dreux, alors qu’il souffrait d’une lombalgie, il tenta le fameux saut. Malheureusement, il prit trop d’élan, et dépassa de plus d’un mètre le tapis de réception… Il fut hospitalisé d’urgence et fut opéré d’une hernie discale.
Rétabli, il retourna chez les Lamy, puis fit la saison d’hiver avec Tonino, au Cirque Albert Rancy, à Limoges.
Un duo de choc
A la fin de l’année 1948, Rolph fut engagé au Cirque d’Hiver en compagnie de son jeune frère Achille qui, entre temps, s’était affirmé comme un Auguste de talent. Ensemble, ils interprétèrent plusieurs entrées dont celle de L’écuyère à panneau, avec un final musical à deux sur le même cheval.
Comme Achille était déjà connu sous le nom de Zavatta, pour qu’il n’y ait pas de confusion, Rodolpho prit alors le pseudonyme de Rolph.
Ce nouveau couple du rire, qui passa régulièrement dans l’émission radiophonique de Jean Pauliac, les Beaux Jeudis, acquit, dans toute la France, une enviable réputation.
La famille du Cirque
Le duo partit en tournée, l’année suivante, avec le Zoo-Circus (dirigé par Jean et Titine Figuier, Achille Zavatta et William Moore) qui s’appela ensuite le Bostok-Zoo-Circus, puis le Super-Circus.
C’est alors que Rolph rencontra Suzanne Aubin qui enseignait le solfège et l’accordéon à l’école de musique de la rue Doudeauville, à Paris. Leur mariage aura lieu en janvier 1957.
Les tournées se succédèrent. Le Zoo-Circus planta son chapiteau à Rome en 1951. Ensuite, Rolph et Achille partirent rejoindre les Bouglione, en Afrique du Nord.
En février 1953, Rolph et Achille mirent fin à leur association. Au même moment, son père Frederico Demetrio décédait. Sa mère Emma, mourut à son tour deux années plus tard.
La parade du Jeudi
Charles Spiessert l’engagea au Cirque Pinder, pour donner la réplique à l’excellent Auguste Eugène Léonard.
1956 : Rolph et Eugène Léonard participèrent aux festivités du centenaire du Cirque Rancy à Paris. Deux ans plus tard, les deux compères participèrent à une opération pour un réveillon de Noël, organisé par Jean Nohain. L’équipe Rolph et Léonard tourna plusieurs émissions de télévision intitulées La parade du Jeudi.
Une nouvelle jeunesse
Mais, Rolph dut subir une intervention chirurgicale, en 1960. Ayant retrouvé la santé, il put participer à quelques galas ainsi qu’au Festival du Cirque de Toulouse. Avec enthousiasme, il reprit ses excentricités musicales en compagnie de son épouse Suzanne. L’année suivante, il remit son costume de clown chez Pinder.
Mustapha Amar le mit à l’affiche de son cirque en 1962. Il partageait la vedette du programme avec son cousin Emilio, le célèbre vagabond sur corde souple. En plus de leurs numéros respectifs, ils interprétaient ensemble l’entrée du Château hanté.
Après cette tournée, Rolph continua à présenter son numéro burlesque musical dans des galas divers.
Rolph, le seigneur de la Piste
Âgé de 92 ans, Rodolpho Zavatta décéda, le 9 août 1998, à Romorantin, dans le Loir et Cher. Il fut inhumé, le 12 août, dans le cimetière de Lizy-sur-Ourcq, où reposent un grand nombre de Circassiens.
Grand artiste du Cercle Enchanté, Rolph aimait la vie. En dehors de son métier, il avait de nombreux centres d’intérêts comme le cinéma amateur, la pêche ou l’aéromodélisme. Homme merveilleux, Rolph Zavatta mérite amplement le titre de Seigneur de la Piste.
Dominique Denis
Adaptation de Rolph Zavatta, un Seigneur de la Piste – Dominique Denis – Le Cirque dans l’Univers – n° 190.
Sources
- Une vie de clown – Souvenirs de Rolph Zavatta – J. Garnier – S. Aubin-Zavatta.
- Il était une fois Les Zavatta – Catherine Zavatta – René-Charles Plancke.
- Programmes divers – 1936 à 1963.
- Il était une fois le Cirque Lamy – René-Charles Plancke.
- Les Clowns – Tristan Rémy – p 365 à 368.
- Avec Rolph Zavatta – Adrian – Inter Forain – 1/6/1952.
- Les cirques de ma jeunesse – Philippe et Robert Barrier – p 162 à 165.
- Le Zoo-Circus en Italie – M. Verdone – Le Cirque dans l’Univers – n° 8.
- Articles Nice-Matin – Nord-Matin – Les Dépêches de Toulouse – L’Echo d’Alger – France-Soir.
- Rolph Zavatta par Jean Devove – Scènes et Pistes.
- Disparition de Rolph – Robert Vasseur – La Gazette de l’éléphant – n° 21
- Pinder – Direction Charles Spiessert – Dominique Denis.
- Les cirques des frères Amar – Dominique Denis.
- Achille Zavatta – Star du Cirque – Dominique Denis.
- Clowns de Cirque – Dominique Denis.
À lire
Une vie de clown – Souvenirs de Rolph Zavatta – Jacques Garnier – Suzanne Aubin-Zavatta – 1963.