Laura de Bach et Louis Soullier dirigèrent ensemble, de 1842 à 1851, un cirque prestigieux de Vienne à Constantinople, en passant par la Russie.
Cet article sur Laura de Bach et Louis Soullier n’est autre que la synthèse des travaux de Peter Braüning et des recherches inédites de Paul Salasca. Le résultat de ces investigations rend caduc les écrits des historiens du Cirque comme Signor Saltarino, Henry Thétard et de tous ceux qui, pieusement, se sont contenter de les recopier. Profitons de ces quelques lignes pour rendre hommage à Tristan Rémy, un des premiers à s’appuyer sur des documents authentiques et qui nous a montré l’exemple.
Rappelons-le, l’histoire du Cirque n’en n’est encore qu’à ses premiers pas. En réalité, cet art fait appel à la généalogie, à l’anthropologie, voire à l’archéologie à la façon d’Hermann Saguemüllet. De plus, cela demande une connaissance intime de ses acteurs venus des cinq coins du monde.
Laura de Bach
Cette histoire débute avec celle de Laura.
Laura Dionisy avait épousé Christoph de Bach, dont l’histoire fut évoquée dans Circus Gymnasticus, premier cirque de Vienne. Elle était née en 1805 à Bercelli, dans le Piémont. Son mari, Christoph de Bach, originaire de Mitau (en Lettonie), était alors âgé de 57 ans. Il était veuf de Rosalie Masson (ex-épouse de Peter Price).
Devenue madame de Bach, Laura mit au monde Magdalena (née en 1826), Albert (1828), Franz (1830), Laurette (1831) et Johann (1833).
Lorsque son mari décéda à Vienne, le 12 avril 1834, elle était enceinte et, trois mois plus tard, donna naissance à la petite Sophie. Cela ne l’empêcha pas de reprendre la direction du cirque avec une troupe d’artistes comme Gärtner, Chanslé, Mancini, Alexander Price et leurs familles.
Le cavalier Louis Soullier
Après Vienne, sous l’enseigne de Cirque Olympique, Laura de Bach se produisit à Prague à partir de janvier 1835.
Elle retourna dans la capitale autrichienne où elle engagea un nouveau cavalier, Louis Soullier, qui faisait partie de la troupe d’Allessandro Guerra. L’année suivante, Laura de Bach s’associa quelques temps avec Louis Tourniaire. En novembre, elle partit pour Odessa en Russie, puis Iasi (Jassy) en Moldavie roumaine, à Silistrie en Bulgarie et enfin à Constantinople.
Tel un personnage de roman à la Jules Verne, Louis Soullier a fait couler beaucoup d’encre. Selon son acte d’état civil, il était né à Toulouse, le 10 avril 1813. Il était le fils de Bertrand Soulié (dont la profession déclarée était celle de portefaix) et d’Honorée Duclos. Son patronyme s’écrivait donc Soulié.
Cependant, il fut orthographié par la suite Soulier ou encore Soullier. Par soucis de simplification, nous opterons pour Louis Soullier avec deux L.
Chevauchée à la Tatar
Ecuyer valeureux, Louis Soullier se distingait par sa chevauchée à la Tatar et menait un groupe de chevaux en liberté, ce qui était considéré comme une nouveauté. Nous laissons le soin, aux historiens du futur, de retracer son parcours de Toulouse jusqu’à Vienne.
D’écuyer Louis Soullier devint régisseur. Enfin, comme l’écrivit T. Rémy, il avait gagné à la fois sa confiance et ses faveurs.
Louis eut comme enfants Clémentine (1837), Victor (1839), Léon (1840) et Olga (1841).
Cirque Oriental
Le cirque prit alors comme enseigne : Cirque Oriental de Bach – Soullier.
Le Journal des débats du 22 septembre 1840, rendit compte du spectacle à Constantinople à l’occasion des festivités organisées pour le mariage du ministre du commerce Ahmet Fety Pacha avec la sœur du Sultan. L’article précisait que la troupe séjournait dans la capitale ottomane depuis déjà deux ans.
Enfin, Peter Braüning écrivit que Louis Soullier se maria en 1842 avec Laura de Bach. Cependant, nous n’avons pas à notre disposition de document précis attestant ce mariage…
De nombreux artistes
La famille se produisit à Vienne, puis l’année suivante, en Lettonie à Mitau, et en Russie. Outre les patrons et les enfants de Bach, la troupe comprenait Giachino Aloisi, Adolf Streker, les frères Schier, Wenzel Pfau et Alexandre Price et leurs familles.
De retour en Autriche en 1846, Laura de Bach et Louis Soullier, paré du titre fantaisiste de grand écuyer du Sultan, étaient à la tête d’une importante cavalerie.
Avec panache, Louis Soullier menait une Poste de 24 chevaux. Au mois de mars, mesdames Tourniaire et Szedoglavitz ainsi que Lavater Lee tenaient le haut de l’affiche. La pantomime s’intitulait La bataille des Romains. Le comique Francisque Populaire fut particulièrement apprécié en décembre, ainsi que Albert, Franz, Johann de Bach, Léon Soulier, Aloiisi, Pierre, Melillo et Szedoglavitz.
Maître François Baucher
La troupe se rendit à Pest, puis retourna dans la capitale autrichienne l’année suivante. Comme nouveauté, Bourbon tournait le looping the loop dans un chariot en bois.
L’étape suivante fut Graz, puis retour à Vienne en décembre, cette fois avec François Baucher, le maître des maîtres de l’équitation savante.
Les spectacles continuèrent en janvier 1848. La troupe partit dans les États Italiens, puis en France au Colisée de Lyon, en octobre et novembre. Louis Baucher montait Partisan.
Le Cirque Soullier se produisit ensuite à Genève, puis retourna en janvier 1849, pour trois jours seulement dans la capitale des Gaules, cette fois au Jardin d’Hiver. La compagnie, outre la famille était composée de Aloisi, Bolla, Bridges, Bussy, Chapell, Fillis, Henry et Mazaniello. La pantomime s’intitulait Le recrutement au village. La représentation se terminait par l’ascension sur boule de Franz de Bach. Quant à Baucher, il montait Kléber, Partisan et Sandor.
En France
Cette fois sous l’enseigne de Cirque Oriental, Soullier, toujours avec Baucher, s’installa au Polygone de Toulouse en mai 1849. Baucher présentait Bloc, un cheval de labour. Léon Soullier était annoncé comme un petit prodige. Le Journal de Toulouse annonçait la course des six amazones, celle de Barbarie et celle de Jules César exécutée par Louis Soullier.
Après la ville rose, Louis Soullier emmena son cirque, avec Baucher, à Montpellier puis au Colisée de Lyon en octobre.
Le Cirque Oriental continua ses représentations en France en 1850. Son passage fut attesté en Saône et Loire en juilllet. En tant qu’artistes, Louis Soullier et sa famille furent engagés, au mois d’août, à l’Hippodrome de Paris. Le 8 septembre, il y eut une représentation exceptionnelle au château d’Asnières. La ville suivante fut Rouen, et à nouveau à Lyon, où Louis Soullier, sur son cheval, entreprit une ascension en ballon.
Une femme exceptionnelle
S’inspirant de l’Hippodrome parisien de l’Étoile, William Batty, qui dirigeait le cirque londonien d’Astley, monta un établissement similaire à Kensington. Batty engagea Louis Soullier et sa famille, à partir du 1er mai 1851.
Cette année fut la dernière de Laura de Bach. Dans Les femmes célèbres, Tristan Rémy écrivit que, frappée d’une attaque d’apoplexie, elle mourut le 11 septembre 1851 à Londres.
Femme exceptionnelle, Laura de Bach fit preuve d’un courage remarquable. Lorsqu’elle devint veuve de Christoph de Bach, elle réussit à maintenir à flot le cirque créé par son mari. Avec Louis Soullier, elle entreprit des tournées européennes jusqu’à Constantinople.
L’histoire de sa famille et de Louis Soullier n’est pas terminée pour autant, et fera l’objet d’une suite…
Dominique Denis
Sources
Laura de Bach
- Circus Gymnasticus, premier cirque de Vienne – Dominique Denis – circus-parade.com.
- Circus des Christoph de Bach – Peter Braüning.
- Artisten Lexikon – Signor Saltarino.
- Das Busch vom Zirkus – JosephHalperson.
- Secrets et Coulisses du Cirque – Henry Thétard.
- La Merveilleuse Histoire du Cirque – Henry Thétard.
- Le Cirque en Autriche – Otto Christl – Le Cirque dans l’Univers – n° 51.
- Circus-Archäologie – Hermann Saguemüller.
- Circus in Wien – Robert Kaldy-Karo und Chirstoph Enzinger.
- Der Zirkus De Bach im Prater – Hans Pemmer.
- Le Grand Livre du Cirque – Monica J. Renevey.
- Circus Gymnasticus – Dominique Jando – circopedia.
- Die Ehemaligen Circus-Gebäude in Wien – Christoph Enzinger – Circus archiv.
- Circus-Archäologie – Hermann Saguemüller.
- Notes Heino Seitler & Paul Salasca.
- Passeports des enfants de Laura de Bach – Archives de la ville de Vienne.
Sources – suite
- Le cavalier Louis Soullier
- Affiche Cirque Olympique – Laura de Bach – Prague – 10 janvier 1835.
- Acte de naissance Louis Soulié – Toulouse – recherches Paul Salasca.
- Alessandro guerra et ses cirques – Dominique Denis – circus-parade.com.
- Peter Braüning – Circus des christoph de Bach
- Storia del Circo – Alessandro Cervelatti.
- Chevauchée à la Tatar
- Les femmes célèbres – Tristan Rémy.
- Arbre généalogique – Paul Salasca.
- Cirque Oriental
- On écrit de Constantinople – Le Journal des Débats – 22/09/1840.
- De nombreux artistes
- P. Braüning – notes.
- Affiche Oriental Circus – 28 mars 1846.
- Maître François Baucher
- Attractions sensationelles – Adrian.
- François Baucher au cirque – Dominique Denis – circus-parade.com.
- L’Agent dramatique du Midi – 13/10/1848.
- Théodore Rancy et son temps – Jacques Garnier – p 5.
- Colisée – La Liberté – 18/10/1848 – 10/11/1848 – 24/11/1848.
- François de Bach – Le Souverain – 22/10/1848.
- Jardin d’Hiver – Le Président – 07/01/1849.
- Le Nouvelliste Lyonnais – 18/01/1849.
Suite – sources
- En France
- Louis Soulier – Journal de Toulouse – 17/05/1849.
- Cirque Oriental – Journal de Toulouse – 18/05/1849.
- Le Cirque National – Le Messager du Midi – 9/08/1849.
- Colysée – Le Salut Public – 9/10/1849.
- Courrier de Saône et Loire – 3/07/1850.
- Affiche Hippodrome Soullier à Lyon – 1850.
- Hippodromes parisiens – Dominique Denis – circus-parade.com.
- Programmation Hippodrome – L’Argus – 3/08/1850.
- Château d’Asnières – Gazette des Tribunaux – 4/09/1850.
- Rouen – Cirques en bois – Cirques en Pierre de France – Charles Degeldère et Dominique Denis.
- Une femme exceptionnelle
- Victoria Arena – vol II – John Turner.
- Batty’s Hippodrome – Affiche – 1ermai 1851.
- Signor Saltarino – Artisten Lexikon.
- Tristan Rémy – Les femmes célèbres.