Pendant près d’un demi-siècle, Dédé, fut, sans aucun doute, un des Augustes les plus populaires de France. Ce texte a été écrit par Dominique Denis dans Infosclown – n° 14 en 2004
Triple jockey
Dédé : Né en 1919 à Lunéville, André Gruss débuta dans la troupe familiale dirigée par son père Henri Charles Armand et sa mère Célestine, née Ricono.
Comme la plupart des enfants de Cirque, il tâta de nombreuses disciplines. Après avoir fait le musicien de parade, l’acrobate, le cascadeur, l’Auguste de soirée, à l’âge de douze ans, il présenta un numéro de triple jockey avec son frère Alexis et Philippe Ricono.
Sa nature comique prenant le dessus, il monta la parodie de l’écuyère à panneau, qu’il présenta à Paris, sur la piste du Cirque Medrano, en septembre 1941… Et pour notre plus grand bonheur, ce moment savoureux fut croqué par les talentueuses demoiselles Vesque.
Avec Manetti au Radio Circus
Après la noire période de l’occupation allemande, André et son frère Alexis, se produisirent avec leur numéro de jockey et de clowns, dans plusieurs établissements comme Léonce, Fanni ou le Cirque National d’Amédée.
Ils s’associèrent en 1946 avec le dresseur de chiens Lucien Jeannet, et montèrent le Cirque Gruss-Jeannet. C’était un petit chapiteau de 22 mètres, qui passa à 32 mètres l’année suivante. En 1949, cet établissement se métamorphosa en un cirque qui allait devenir le Radio-Circus.
L’année suivante, André demanda à Charles Manetti de devenir son partenaire. Ils interprétèrent l’entrée de la chambre hantée. Au contact de ce clown de grande classe, Dédé put découvrir les arcanes de la comédie clownesque.
La voiture en folie
Deux ans plus tard, pour renforcer leur équipe, les deux compères firent appel à l’Auguste Tony Bastien, qui fut un des piliers de Medrano d’avant-guerre. Cette formation se produisit pendant trois saisons.
À partir de 1956, la direction Gruss-Jeannet anima le chapiteau du Cirque Medrano Voyageur, puis l’année suivante, le premier Cirque-Zoo Jean Richard.
Assisté du clown musicien Rhede, et de Tonino Zavatta, il anima le numéro de la voiture en folie. Dédé présenta ensuite, un numéro en solo, sous le nom de Crockett, puis forma ses deux fils Alexis et Patrick aux joies des entrées clownesques, sous l’appellation de Théo, Pat et Dédé.
En 1959, le chapiteau Gruss changea encore d’enseigne et devint Le Grand Cirque de France qui, pendant plusieurs années, présenta un spectacle à grande mise en scène intitulé Ben-Hur.
Dédé, un Auguste tout en rondeur
Le cirque connut ensuite des fortunes diverses et voyagea sous des noms différents, ou en association, comme avec Roger Lanzac, sous le nom de la Piste d’Or.
Ses deux fils, à partir de 1974, créèrent le Cirque à l’Ancienne au Carré Thorigny dirigé par Sylvia Montfort, qui allait présenter, chaque année, un spectacle différent.
Le nez rubicond et coiffé d’un chapeau melon, Dédé était un Auguste bon enfant, tout en rondeur. Gouailleur et narquois, il mettait tout de suite le public dans sa poche. Sa présence était indiscutable. Parmi ses entrées favorites, il aimait interpréter C’est elle, c’est lui, le téléphone-télévision, la chambre hantée… Aussi, la nurse, le service militaire, Hamlet, la Petite Abeille… Et encore la voiture en folie, le Cinéma…Enfin, il jouait de la trompette de cavalerie et de la trompette d’harmonie à merveille. Ses interprétations sont restées dans toutes les mémoires des aficionados de la Piste.
Oh mon papa
André Gruss était marié avec Maud Lautour et fut l’heureux père de quatre enfants Alexis Junior, Patrick, Bella et Martine. Hélas ils eurent la douleur de perdre leur fille Martine, puis leur petit-fils Armand, tous deux fauchés dans la fleur de l’âge. Le 3 décembre dernier, Maud quitta ce monde à son tour. Enfin, le 25 décembre, son petit fils Eric Ringenbach décédait à son tour.
Terriblement abattu, André Gruss rendit son dernier soupir le 27 décembre 2003, à Paris. Ses obsèques eurent lieu le 30 décembre, à l’église Saint-Pierre de Neuilly. La cérémonie fut particulièrement émouvante, notamment au moment où un trompettiste interpréta son air favori Oh mon papa.
La grande famille du Cirque
André Gruss était un homme remarquable, profondément humain. J’ai eu la chance de le connaître. Alors que j’étais un jeune artiste débutant, il fut d’une grande bienveillance à mon égard, et cela, je ne suis pas près de l’oublier. Par la suite, chaque année, j’allais le saluer, et à chaque fois il me réservait le meilleur accueil.
Toute la famille Gruss, ses enfants, ses petits et arrière-petits enfants pleurent sa disparition. Au-delà, c’est aussi toute la famille du Cirque qui le regrette, mais également les Clowns du monde entier… sans compter ses amis et les milliers de spectateurs qu’il a tant diverti.
Dominique Denis
Sources
Infosclown n° 14 – 2004.