Comédien hors pair, Porto fut l’Auguste chéri du Cirque Medrano de 1920 à 1940 en compagnie de clowns réputés.
Vu par Yvon Novy
Dans le périodique Candide, Yvon Novy le décrivait ainsi :
« … Roux de poil, le corps flottant dans un costume kaki trop large, un jersey rouge comme plastron, des gants rouges aux mains, il a la voix glapissante et éplorée du pauvre bougre qui hurle avant qu’on ne le touche… »
Arturo Mendès (Arturo Saraïva Mendès d’Abreu), dit Porto, naquit à Lisbonne, en 1888.
Tout jeune, il entra en piste avec son oncle Tonyto dans un numéro de cascadeur acrobatique, sous le nom d’Arturo. Plus tard, il rencontra le clown James Sydney avec qui il prit le pseudonyme de Sednem.
Débuts à Medrano
Attiré par le faste des cirques parisiens, il se fit embaucher en septembre 1920 en tant qu’Auguste de soirée par Rodolphe Bonten, qui venait de prendre la direction du Cirque Medrano. En décembre, ce directeur lui donna sa chance lui présentant Chocolat fils avec qui il forma un duo qui obtint, tout de suite, du succès. Bel exploit, d’autant que les Fratellini étaient programmés en deuxième partie du spectacle.
La saison suivante, le duo Chocolat fils et Porto se produisit dans d’autres cirques comme à Rouen et Amiens. Tous deux revinrent à Medrano en septembre 1922 et y restèrent durant deux saisons. L’éminent critique André Legrand-Chabrier dans Paris-Journal leur consacra des articles élogieux.
Les deux compères se distinguèrent par leur interprétation personnelles d’entrées comme Le muet mélomane, La voyante, La momie ou Les gladiateurs.
Le trio Carlo, Mariano et Porto
Lors de la rentrée de Medrano en septembre 1924, les Fratellini étant engagés au Cirque d’Hiver de Gaston Desprez, Rodolphe Bonten demanda à Porto de former un trio avec Carlo Carpini et Mariano Rodriguez. Cette nouvelle formation égaya ce cirque durant trois saisons.
Le trio s’illustra dans des entrées comme les Pantins mécaniques ou La parade des soldats de bois.
Cairoli, Porto et compagnie
Toujours pour lutter contre la concurrence du Cirque d’Hiver, Rodolphe Bonten, une fois de plus, eut la main heureuse pour la rentrée de septembre 1927. Ce directeur associa Porto, qui était devenu l’enfant chéri de la piste montmartroise, avec Cairoli. Jean Marie Cairoli (dont le nom s’écrivait également Caïroli) était un artiste d’une grande distinction, doué d’une imagination féconde, aussi bon jongleur que musicien. De plus, il était assisté de son jeune fils Carletto, qui jouait les utilités.
Sur l’affiche cette nouvelle équipe était annoncé ainsi : Cairoli, Porto et compagnie. En seconde partie, Bonten avait programmé Dario, Bario et un jeune talent du nom de Rhum.
Entre-temps, Porto s’était marié avec l’écuyère Mamie Bastien, la sœur des fameux acrobates à cheval Bastien.
La classe : Cairoli, Porto et Carletto
Jérôme Medrano devint officiellement le directeur de Medrano en septembre 1928. Naturellement, il reprit les clowns de la saison précédente. Pour cette rentrée, le trio prit le nom de Cairoli, Porto et Carletto et joua l’entrée du Piano. Par la suite, ils interprétèrent les sketchs de La voyante, Le mariage à l’américaine, Les bateliers de la Volga, Le fakir, Le service militaire, Macaroni partie, La femme idéale, Le miroir brisé, La nourrice, Les jongleurs… tous les trois formèrent un trio d’une classe exceptionnelle.
Dans le journal La Patrie, un journaliste, qui signait Ch. G écrivait à propos de Porto :
« … L’oeil grand ouvert, les gants, les pieds et les cheveux rouges, naïf, craintif, étonné d’être là, de ce qu’il voit, de ce qu’il dit, Porto par sa seule présence déchaîne le rire. (…) Porto est un des meilleurs clowns qui soit actuellement à Paris… »
Ce n’est que votre main madame.
Le trio Cairoli, Porto et Carletto, s’imposa à Medrano la saison suivante en interprétant chaque quinzaine une entrée différente. Ils firent rire avec des nouveautés comme Le bar ambulant où Porto chantait Ce n’est que votre main madame.
Notre trio quitta un temps Medrano et signa des contrats pour d’autres cirques comme le Royal de Bruxelles, à Lille, à Valenciennes ou les Zoo Circus des frères Court. Après avoir divorcé, Porto se remaria à Bruxelles en janvier 1931.
L’exposition coloniale
Pour le plus grand bonheur du public parisien, Porto toujours pétillant de drôlerie, revint à Medrano, avec Cairoli et Carletto, en septembre 1931.
Les trois clowns nous reviennent avec L’atelier du peintre, Le temps des cerises et une revue d’actualité sur L’exposition coloniale. Un régal !
la journaliste Aline Bourgeois écrit Dans L’Intransigeant que leur rentrée est un évènement dans le monde du Cirque.
Dans la revue Espana monté par Jérôme Medrano début 1932, Porto mena le jeu avec abattage et fougue.
La tour de Nesle
La parodie La tour de Nesle qui se jouait à l’Odéon, fut mise au programme de Medrano par le trio Cairoli, Porto et Carletto. Ils reprirent ensuite Le piano, Les excentricités musicales, La nourrice, Le chanteur, La boxe… Entre deux contrats parisiens, ils se produisirent également dans la semi-construction Medrano à Angers, Rennes, Nantes et Caen.
Toujours à Paris, Cairoli, Porto et Carletto débutèrent la saison 1933/1934 à Medrano avec Les prestidigitateurs, puis partirent au Havre et Angers dans la semi-construction Medrano. Retour à Paris en novembre, avec Hamlet en décembre, puis en 1934, plusieurs passages à Rennes, Caen et Orléans.
Les trois clowns préférés de Medrano sablèrent le champagne en septembre 1934, se produisirent au Havre, et de retour dans la capitale firent la démonstration d’une douche surprise, nous présentèrent une nouvelle version de La boxe, d’un restaurant japonais, devinrent pâtissiers… puis, jouèrent à Caen.
On a enlevé la femme à barbe
Les Cairoli partis, Porto débuta une nouvelle collaboration avec Alex Bugny en septembre 1935.
Le public apprécia Alex et Porto, lors de la saison 1936/37, dans les entrées du Photographe, La conférence sur l’alcoolisme, La démonstration appareil pour faire pousser les cheveux, ou la parodie de Carmen.
De l‘avis général, lors de la saison suivante, Porto, se révéla impayable dans la revue de Recordier On a enlevé la femme à barbe. Après ces exploits, il tomba malade pendant plus d’un mois. En janvier 39, Porto assura, avec brio, plusieurs rôles dans la revue Le fils de Buffalo Bill.
En compagnie d’Alex, Porto se distingua comme un comédien exceptionnel dans des classiques du genre tels Le déjeuner sur l’herbe, La voyante, le clown dans les places ou La somnambule.
Maïss, Filip et Porto
Après l’invasion allemande de 1940, Porto rejoignit Louis Maïss et Filip Cairoli, à Lisbonne.
Ensuite, Maïss et Porto obtinrent un engagement à Casino Municipal de Cannes, puis en juin, à Aix en Provence, à Nice, alors en zone non occupée par les Allemands. Mais, Porto en mauvaise santé se sentait affaibli. De retour à Cannes, Porto fut victime d’une syncope et fut hospitalisé. Un des ses amis l’accueillit à Mandelieu et L’abbé Guillot s’occupa de lui. Il mourut le 17 novembre 1941.
En compagnie de partenaires de grands noms de la piste internationale, Porto, de 1920 à 1940, comédien hors pair, Porto fut l’Auguste chéri du Cirque Medrano. Incontestablement, il inspira de nombreux confrères qui reprirent bon nombre de ses créations.
Dominique Denis
Adaptation de : Clowns de Cirque – Dominique Denis – Arts des 2 Mondes – Paris – 2016.
Sources
Les Clowns – Tristan Rémy.
I Clowns – Federico Fellini.
Ce rire qui vient du cirque – Adrian.
Clowns – Michel Louis.
Les clowns et la tradition clownesque – Pierre Robert Levy.
Clowns et Farceurs – Jacques Fabbri et André Sallée.
Clowns de Cirque – Dominique Denis.
Medrano – direction Jérôme Medrano – Dominique Denis – circus-parade.com.
Yvon Novy – Candide.
Medrano Boum Boum – Dominique Denis.
Cirque – André Legrand-Chabrier – Paris Journal – janvier 1924.
Album Maïss – Dominique Denis.
Medrano – direction Jérôme Medrano – Tome 1 – Dominique Denis.
Medrano – direction Jérôme Medrano – Tome 2 – Dominique Denis (en préparation).
suite sources
Cirque d’Hiver – direction Gaston Desprez – Dominique Denis.
Zoo-Circus – Dominique Denis.
Article : Porto – Alain-Michel Lagrange – cirk/5.
Le petit Auguste alphabétique – Yves Daguenais.
Cirques en bois – Cirques en Pierre – Charles Degeldère et Dominique Denis.
Programmes Medrano 1920 à 1939.
Bonjour les Clowns – Hugues Hotier.
Clowns – John H. Towsen.
L’Art du Clown – Dominique Denis.
Le Livre du Clown – Dominique Denis.
Les clowns – Pascal Jacob et Christophe Renaud de Lage.
À lire
Clowns de Cirque – Dominique Denis – Arts des 2 Mondes – Paris – 2016.