Adaptation et extrait de l’article sur Elsane par Denis Granai paru dans Le Cirque dans l’Univers et de son livre éponyme.

par Denis Granai

De l’audace

Elsane par Pierre J. Dannès
Elsane photo Pierre J. Dannès

Elsane, fut qualifiée, à l’issue de la tournée du Circo Price en 1949, de La Manolete du Trapèze, tant ses exploits et surtout son audace la rapprochait du célèbre fameux toréador. 

La carrière d’Elsane au trapèze ne commença que beaucoup plus tard, à l’approche de ses quarante ans.

De son vrai nom Else Jaekel, elle vit le jour le 26 octobre 1906 à Kossakau (près de Dantzig) en Prusse Orientale. De ce fait elle était Allemande et non Polonaise, même si Dantzig deviendra Gdansk, quand la Prusse Orientale sera finalement rattachée à la Pologne.

Très tôt, elle se perfectionna à la danse expressionniste et acrobatique à Berlin avec le chorégraphe Rudolf Van Laben. Elle choisit de franciser son nom d’Else Jaekel en Jacqueline Elsane.

Au music-hall

La première partie de sa carrière d’artiste fut consacrée à la danse acrobatique qui la mena du Théâtre des Champs Elysées à l’Empire, à l’Alcazar, au Palace et au Casino de Paris pour ne citer que des grands établissements célèbres parisiens.

Parallèlement elle se produisit dans la plupart des grandes villes européennes. En 1932 elle fit appel à l’artiste espagnol Tito Livio Madrazo pour lui composer une affiche, qui aujourd’hui encore fait le bonheur des les salles des ventes du monde entier.

Pendant la seconde guerre, en 1943, Henri Varna fit appel à la danseuse acrobatique Jacqueline Elsane pour reprendre le tableau La Toile d’Araignée. Bien que n’ayant jamais évolué en hauteur, sa réussite fit merveille.

Débuts au trapèze

Elsane photomontage - Archives
Elsane photomontage – Archives Elsane

Jacqueline Elsane, en 1945, s’adressa à Edmond Rainat pour lui enseigner les rudiments du trapèze.

Pour cet agrès, elle choisit de raccourcir son nom d’artiste en devenant Elsane ou Miss Elsane. Des chutes, bien évidemment, il y en eut, mais malgré la douleur, elle remonta toujours sur son trapèze.

Elle se réfugia chez le Professeur Cincinatus Maladolli. L’excentrique Albert Raphaël, descendant d’une famille de banquiers, préférait quant à faire le banquiste.

En plus de sa prestation, elle dressa deux poneys et prépara un numéro de pigeons qui l’accompagnaient sur son trapèze. Parallèlement, elle monta également un numéro de corde très poétique qu’elle baptisa tout simplement Poème à la Corde.

On la retrouve au Cirque Maladolli en 1948 affublée du titre de directrice artistique.

Elsane en Voyage

L’année suivante, en 1949 elle est engagée par le cirque hollandais Mikkenie pour une tournée en Espagne. Elle poursuit son aventure ibérique avec le Circo Price au sein du Circo Femina où on la présente comme la plus audacieuse gymnaste de tous les temps dans son merveilleux poème de l’audace.

En 1950 la tournée du Circo Price se termine en début d’année au Coliseu de Lisbone. Puis, Elsane est engagée au Cirque Pourtier à Douai avant de partir en Afrique du Nord sous le chapiteau des 4 frères Zerbini, de mai à décembre, au grand désespoir de Maladolli qui comptait sur elle pour être de sa nouvelle aventure avec Marcel Fuster. On reconnait d’ailleurs Elsane avec son trapèze sur une des affiches Fusterino. Enfin, elle termine l’année au Tabarin de Casablanca.

De Maladolli à Medrano

Elsane affiche Bureau -
Elsane chez Bureau – affiche

Elsane revient en 1951 chez Maladolli qui cette fois s’est associé avec une famille très connue sur le voyage, les Danglade appelé le Cirque Hippodrome, jusqu’en novembre. Ensuite, elle est arrive au Cirque Medrano. Elle profite de son passage dans ce cirque parisien pour se faire établir des photographies promotionnelles par Pierre J. Dannès. Elle ajoutait aux difficultés de son numéro une touche d’élégance qui n’avait jamais encore été vue dans le milieu du cirque avec de grandes robes.

En 1952, Elsane se retrouve au Cirque Demuynck en Belgique, puis au Cirque des 3 frères Amar de mai à novembre. la tournée 1953 se passé au cirque Bureau, et en décembre au Cirque Appolo-Wacker, à Berlin, pour un Festival du Cirque.

Disparition d’Elsane

Début 1954, le Festival du Cirque de Berlin continue… Le 7 janvier, la Presse s’en donne à cœur joie. Le Parisien Libéré titre : Elsane, une trapéziste parisienne disparait à Berlin ! Pendant 3 jours on est sans nouvelle. Mais, tout rentre dans l’ordre et le Cirque Napoléon Rancy l’accueille à Amiens puis à Rouen.

Elle finit la saison au Cirque d’Hiver où on la présente comme La Sirène de la Baltique, surnom donné par le chroniqueur et ami Serge. Retour à Medrano, en 1955.

Puis destination le Moyen Orient avec la Turquie et le Liban. Pour se rendre au Liban elle embarqua sur le bateau Samsun à Marseille où elle présenta son numéro entre les deux mâts du navire à plus de 16 mètres de haut.

De Tom Arnold à Sarrasani

Elsane par Denis Granai -  quatrième
Elsane par Denis Granai

En fin d’année elle fait les beaux soirs du Tom Arnold Circus à Harringay en Angleterre où trois fois par jour, elle effectue ses prouesses sans filet.

À la recherche d’un climat plus chaud pour calmer ses douleurs au dos, elle effectue une tournée aux Antilles, en 1956

l’année suivante, elle se rend prestigieux cirque Allemand Sarrasani. Elle avait tout spécialement préparé un équilibre sur les mains au trapèze, que peu d’artistes dans le monde étaient capables de réaliser. Malgré ses 51 ans elle produisait cet exercice chaque soir à la coupole du chapiteau Sarrasani.

Pour la promotion du spectacle à Berlin, au cours d’une exposition sur le bâtiment elle se produisit sous une grue en pleine ville à plus de 50 mètres de hauteur. C’est d’ailleurs le seul élément filmé répertorié d’Elsane qu’il est possible encore de voir.

Triomphe

C’est le triomphe en 1958 au Cirque d’Hiver qui n’hésite pas à qualifier son numéro d’unique au monde. Elle y arborait un costume de parade avec des plumes roses.

À l’initiative d’Hubert de Malafosse, elle est part au Festival International de Cirque d’Alger. On la présente comme la représentante du Cirque d’Etat de Pologne.

Lors d’une répétition, le 17 décembre, alors qu’elle s’échauffait avant de paraître en piste, elle tomba d’un trapèze. À cet instant, elle ne sait pas encore que carrière, vient brutalement de s’achever. Après un long procès, elle fera reconnaître sa chute comme accident du travail et obtiendra une pension d’invalidité. Elle avait 52 ans.

Par la suite elle se retira à Solesmes dans la Sarthe, et devient non voyante. Et, s’éteindra en avril 1997.

Sa carrière

Elsane - livre par Denis Granai
Elsane – livre par D. Granai

Dix années seulement pendant lesquelles Elsane se produisit au trapèze de 1948 à 1958. 

Tout au long de sa carrière, la presse et les programmes imprimés furent dithyrambiques sur sa témérité et son audace… notamment, quand elle était au grand balan à grande hauteur, seulement retenue par les dessus des pieds puis par les talons… et cela sans sécurité.

Elsane fut certainement une très grande trapéziste qui marqua son époque..

Denis Granai

Sources

  • Livre:Elsane, une Vie de Roman – Denis Granai.
  • Documents personnels d’Elsane.
  • L’Histoire fabuleuse de la trapéziste Elsane – Denis Granai – Le Cirque dans l’Univers – n ° 290.
  • Ils donnent des ailes au cirque – Adrian
  • Les reines du trapèze – Claudia Vivaldi.
  • Dictionnaire illustré des mots et locutions du Cirque – Dominique Denis.
  • Histoire des cirques parisiens – Adrian.
  • Cirques en bois, Cirques en pierre de France – C. Degeldère et D. Denis.
  • La course aux trapèzes volants – Pierre Lartigue.
  • L’Acrobatie et les Acrobates – G. Strehly.
  • La Merveilleuse Histoire du Cirque – Henry Thétard.
  • Une vie de cirque – Jérôme Medrano.

À lire

Elsane, une Vie de Roman, du Music-Hall au Cirque, de la Danse au Trapèze – Editions de Matignon – Malensac – 2024.